Errabunda babble

blog européen

mardi 24 mars 2009

Bruxelles

C’est la sacro-sainte ville des européanistes, un îlot technocratique prestigieux mais décrié, et ma destination pendant une petite semaine.

Voyage de promo


Comment caractériser ce milieu bien particulier dans lequel les étudiants d’une grande école de sciences politiques gravitent ? Sur cinq jours se sont enchaînés à un rythme vertigineux conférences, cocktails, et forum d’entreprises. L’air que l’on respire à la Représentation Permanente de la France à Bruxelles comme au Parlement et à l’association des syndicats patronaux européens est le même. Ca sent la paperasse, peu sec et froissé. Les sièges sont larges et rembourrés. On nous intime de s’habiller « smart » pour le forum d’entreprises et de distribuer nos CV à la ronde. Dans chaque institution visitée, on nous offre des stylos et des documents en papier glacé, et on arbore des visages souriants.

Multilinguisme


Dans un pub le soir de St Patrick’s, autour de moi on parle : anglais, néerlandais, français, allemand. Il faut jouer des coudes pour se déplacer de quelques mètres seulement. Dans l’Union, il y a 23 langues officielles, dont le gaélique, pour l’Irlande. Cela signifie que tout responsable irlandais faisant son entrée dans quelconque institution a le droit d’exiger que les documents qui lui sont fournis ainsi que les débats en cours lui soient traduits dans sa langue.
Lors d’une visite à la Cour de Justice, on a la chance d’assister à une audience d’un procès en cours se déroulant en italien, et qui nous fut traduit simultanément par une quinzaine d’interprètes en français, anglais, néerlandais, lituanien, danois et polonais. Cela ne fait que six langues sur 23.


Couleur locale

Pour le reste, rien que du tourisme de bas étage à signaler : une gaufre, beaucoup de frites, de bière, et une visite au musée de la BD, bercés par les rugueux accents des chansons de Brel.

L’arrivée du printemps à Paris



Une veine poétique soudaine, qui me pousse, après des mois d’absence, à reprendre le fil du blog d’errabunda :

Dis-moi ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l'immonde cité
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité?
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe?

A cette interrogation insistante du poète, il faut sans doute répondre par l’affirmative, même si mon aspiration tend moins vers un océan que vers une forêt verte, claire et profonde du sud de l’Allemagne. Cela dit, je n’irais pas jusqu’à qualifier Paris d’immonde cité ; la ville restée si longtemps sous le joug d’un ciel d’hiver lourd et bas comme un couvercle adopte depuis peu des tons plus printaniers, les cerisiers en fleurs mêlant gaiement leurs pastels aux ocres tapageurs des manifestants.

lundi 16 juin 2008

Déception irlandaise

Je retire deux choses du « non » irlandais au traité de Lisbonne : d'une part, un certain fatalisme au regard de mes perspectives professionnelles, d'autre part, la conviction qu’en ce qui concerne l’Europe, le référendum n’est pas une solution démocratique.

Prenez un texte, peut-être bon mais que personne n'a lu. Prenez un système de vote qui encourage surtout les électeurs à voter pour ou contre celui qui le propose. Divisez le tout pour être à l'échelle d'un pays (et ajoutez à la miction une grosse dose de slogans murdochiens). Résultat: NON, garanti à 100%.

On taxe nos politiciens de lâcheté lorsqu’ils tentent de circonvenir la ratification du traité de Lisbonne par voie référendaire. En réalité, il faut tout simplement convenir que ce genre de texte ne se prête pas à la ratification par référendum.

Tout d’abord, on demande d'approuver un traité qui n'est pas rédigé en clair. Il n'est ni « mini » ni « simplifié », c'est un ensemble de pointeurs vers divers documents, tous plus techniques les uns que les autres, qui forment un ensemble totalement abscons. On se méfie alors d’un texte auquel l’on n’a rien compris, et de la manière dont la quasi-totalité des forces politiques s’engage pour le défendre. Une fois le doute installé, il est facile pour les alliances hétéroclites de partis souverainistes, d’extrême droite et de gauche radicale de s’engager dans la brèche. Force est de donner en partie raison aux critiques de l’Union, qui dénoncent lors de chaque nouvelle défaite de l’Europe aux urnes le divorce entre les opinions publiques européennes et leurs élites politiques.

Je préfère laisser le détail du calcul des majorités, de la rotation des présidences et du nombre de commissaires à nos gouvernements. Les citoyens devraient prendre l’opportunité d’exprimer leur mécontentement à l’occasion des élections européennes. Celles-ci, qui ont lieu partout en Europe en même temps, sont l’occasion de surmonter les enjeux politiques nationaux. Il y a encore des progrès à faire en ce qui concerne le renforcement du Parlement Européen : les partis doivent parvenir à une plus grande visibilité, en établissant des programmes clairs et des listes transnationales par exemple.

Perte d'influence dans une Europe élargie, globalisation entraînant des délocalisations, bureaucratie et surabondance de règles, immigration abusive… Elle a bon dos l’Europe, dans tous ces éléments qui alimentent le débat politique. Paradoxalement, cette tendance à décrier « Bruxelles » est renforcée par les hommes politiques eux-mêmes, toujours prêts à rendre l’euro responsable de la vie chère (Berlusconi est en ce sens exemplaire).

L’Union est loin d’être parfaite. Mais pour atteindre l’Europe dont on a rêvé, il faut d’abord se mettre d’accord sur les institutions qui nous permettrons de la construire. Et c’est de cela dont il s’agit dans le traité de Lisbonne.

dimanche 4 mai 2008

"Nazis raus"

Le 1er mai est aussi en Allemagne un jour chômé, donnant traditionnellement lieu à des manifestations de la part des syndicats et des partis de gauche dans tout le pays. A Tübingen cependant persiste une vieille tradition, basée sur l’institution des « Burschenschaft », sortes d’associations d’étudiants souvent politiquement très conservatrices. Depuis leur formation au début du dix-neuvième siècle dans un contexte d’invasions napoléoniennes, ces ligues étudiantes ont constitué le foyer d’un sentiment national, alors que l’Allemagne n’existait pas encore en tant que telle. Ce nationalisme, initialement plus culturel que politique et influencé par le courant romantique qui traversait l’Europe, a mué au fur et à mesure de la mise en place du Reich, éclatant en plusieurs tendances politiques, dont celle qui mènera par la suite à l’idéologie raciste et expansionniste de la dictature nazie. Les membres des Burschenschafts, qui se conçoivent comme les nobles tenants de la fierté nationale allemande, n’en appellent pas (seulement) à l’ancien sentiment romantique libéral du début du vingtième siècle, mais incluent tout aussi bien dans leur héritage une nostalgie de l’autocratie traditionaliste bismarckienne, voire d’un lointain et fantasmatique Moyen-âge germanique pour les plus attardés.

Il existe heureusement aujourd’hui toutes sortes de Burschenschafts qui ne sont pas aussi rétrogrades dans leur idéologie. Elles furent et sont aujourd’hui encore assez puissantes au sein des universités ; la grande majorité des hommes politiques allemands en sont d’ailleurs issus, continuant régulièrement à en alimenter les caisses. La nuit précédant le 1er mai est l’occasion d’un rituel au cours duquel les membres des Burschenschafts les plus conservatrices manifestent leur présence dans la ville de Tübingen : ils sortent habillés de vestes et de casquettes arborant les couleurs de leur ligue, portent des bougies et entonnent des chants nationalistes. Je n’ai pu assister que de loin à leur étrange petit manège, car les 250 « Burschis » d’extrême-droite et moi étions séparés par un cordon de police et une foule d’environ 2000 contre-manifestants échauffés, pour qui cette tradition représente une violente provocation. Tübingen, ville étudiante, est tout de même relativement parlant un bastion de gauche dans la région, et le soir du premier mai est également une occasion pour les militants de toutes tendances de gauche confondues de faire une démonstration de force réussie. Ainsi, arrivant sur la place du marché dans la vieille ville vers 11 heures du soir, lieu tranquille où je me verrais plutôt prendre un café ou un kebab que manifester, je découvre une ambiance de manif-festive comme j’ai pu en voir à l’époque du CPE en France. Ici circulent bouteilles de bières, drapeaux des jeunesses socialistes allemandes ; par là on joue les Rolling Stones sur une sono géante, entrecoupés d’un discours anti-nazi aux accents marxistes. On chante l’ « Internationale »… le tout sous le regard blasé de plus d’une centaine de policiers qui attendent derrière une grille, bardés comme si nous étions au G8. Tout le centre ville était d’ailleurs déjà bouclé depuis une heure, avec interdiction de circuler dans les rues par lesquelles étaient prévus de passer les manifestants des Burschenschafts. Ceux-ci sont attendus avec impatience : les étudiants d’une résidence qui se trouve sur leur parcours ont notamment prévu de les accueillir avec des seaux d’eau et autres charmantes délicatesses. Quand ceux-ci débarquent enfin sur la place, la musique est brutalement coupée et l’ambiance bon enfant vire tout d’un coup à une tension quasi-palpable. Je peux à peine apercevoir les Burschis, pour le moins les entendre tant la foule est compacte, avec des sifflements et des « Hau ab ! Hau ab » (« casse toi ! ») qui retentissent de tous les côtés. Le tout me semble très institutionnalisé : la police était partout, et il n’y avait absolument aucun risque (ni volonté de part et d’autre) de débordement. Mais j’ai constaté avec plaisir l’ambleur de la contre-manifestation; dans la foule, hurlant et vociférant, on pouvait voir pratiquement autant d’étudiants en dreds de la faculté de philo que de vieilles dames à l’air respectable.

Le rituel du soir du premier Mai n’est d’ailleurs pas seulement une nuisance pour les étudiants et les partis de gauche, pour qui la présence de ces jeunes nationalistes est complètement inadmissible : la ville de Tübingen, qui doit trouver un moyen de faire respecter le droit de rassemblement et de manifestation de tout un chacun sans que violence s’en suive aimerait également s’en passer. D’après le « Schwäbisches Tagblatt », la feuille de chou locale, près de cinq cent policiers ont été réquisitionnés pour contenir les manifestants, faisant monter les coûts de cette nuit à plus de 100 000 euros : voilà de l’argent qui aurait sans doute pu trouver un meilleur usage.

L'arrivée du printemps à Tübingen

Les prévisions météos pour la semaine prochaine à Tübingen : c'est assez extraordinaire pour être relevé dans ce blog.


La preuve en images: la vue par ma fenêtre ce matin!


lundi 14 avril 2008

La solitude de l’étudiant Erasmus dans les cours de théorie politique

Première semaine de cours du second semestre: une époque décisive, pleine d’espoirs déçus, d’angoisses administratives et de fêtes estudiantines à l’allemande, c’est à dire bien arrosées de bière pas bonne mais bon marché. Nous ne sommes encore que lundi, mais j’ai déjà gouté aux affres des inscriptions pédagogiques décidément très libérales de l’université de Tübingen. Ainsi, une partie des cours de chaque faculté étant mise en ligne préalablement à la rentrée, il convient le plus souvent de simplement s’inscrire en utilisant les codes fournis à chaque étudiant par l’université. Seulement, il peut s’avérer que certaines facultés informatiquement analphabètes négligent de mettre leur offre de cours sur internet : c’est notamment le cas de celle d’histoire de l’art. Dans ce cas là, l’on peut soit acheter un épais livre détaillant tous les cours fournis par l’université un par un (6 euros), soit (et cela est préférable, vu que le livre est publié en février alors que beaucoup de profs n’ont pas encore préparé les cours du semestre prochain) l’étudiant modèle zélé s’adresse directement à la faculté qui l’intéresse. Mais admettons que l’institut de science politique ait déjà mis en ligne tous ses cours. Là, vous vous rendez compte qu’il manque pour chacun d’eux un petit détail qui peut complètement chambouler votre emploi du temps : nombre de crédits octroyés (jamais précisé), jour et horaire des séances (parfois), date de début des cours… Ainsi, le séminaire de « Théories du fédéralisme » a normalement lieu de 14h à 16h tous les lundis dans le bâtiment « Alte Archäologie » (allez voir le lien avec l’archéologie ?) sans qu’il soit précisé si les cours commencent aujourd’hui ou la semaine prochaine. Ce genre de petite négligence a pour conséquence qu’une vingtaine de personnes, dont moi, ont du aujourd’hui se déplacer rien que pour constater que oui, effectivement, c’est la semaine prochaine. Une autre absurdité organisationnelle consiste en le fait que tous les cours magistraux de l’institut de science politique, qui sont au grand total de quatre, sont concentrés sur les mêmes plages horaires le mardi et le mercredi. Les séminaires de troisième année d’études étant eux-mêmes également très rares et ayant lieu les mêmes jours que les cours magistraux, il s’ensuit que je vais sans doute avoir entre 6 et 8 heures de cours chaque mercredi, et rien ou presque le lundi, jeudi et vendredi. C’est « quatsch » comme on dit ici : n’importe quoi. La première semaine est également l’occasion de quelques petits moments de solitude, lorsqu’on se rend compte que l’on est le seul étudiant Erasmus à avoir choisi ce cours au nom décidément très rebutant (celui sur le fédéralisme notamment). Autour de soi papotent gaiement les étudiants allemands à une vitesse supersonique, sans laisser la moindre interstice dans laquelle une petite étudiante française pourrait glisser trois mots. Je sens que l’expérience va encore se renouveler la semaine prochaine dans mon cours de « Théories d’intégration européenne » ; par chance, j’ai décidé d’éviter le cours de « Théories du parlementarisme »… Si les approches théoriques leur sortent par les trous de nez par ici, j’ai tout de même réussi à dégoter une place dans un séminaire sur le cinéma allemand, ainsi qu’un cours magistral d’introduction à l’architecture du vingtième siècle (qui en toute logique lui a lieu dans le bâtiment de la fac de droit).

En attendant, je m’évertue au possible afin de finir mon satané Hausarbeit sur la politique européenne d’immigration et d’asile. C’est d’ailleurs à partir d’un ordinateur de la fac que j’écris ce billet (le clavier allemand n'a plus de secrets pour moi), lieu plus propice à la concentration et à situé à proximité d’un nombre de machines à café beaucoup plus important que ma propre chambre. Permettez moi de me souhaiter à moi même bon courage par l'intermédiaire de ce blog...

mercredi 9 avril 2008

Hausarbeit macht frei, ou à qui décerner la faute de la forteresse Europe

L’année universitaire en Allemagne est traditionnellement divisée en deux semestres, comme nous en avons la coutume en France, à l’exception notable du fait que les étudiants disposent ici de deux mois de vacances entre le semestre d’hiver et celui d’été, et non de deux semaines. C’est l’occasion de voyager, comme vous avez pu le constater, mais aussi d’effectuer des stages ou de travailler. Une autre occupation principale consiste à finir les mémoires (les « Hausarbeit ») dus pour des conférences effectuées le semestre précédent. Cela a notamment été mon cas : ayant pendant plusieurs mois agonisé sur ces travaux, il me semble raisonnable de partager ouvertement mes peines vis-à-vis de cette tâche apparemment insurmontable. Il s’agit de rédiger une vingtaine de pages pour ma conférence de méthode sur « La politique de Justice et Affaires Intérieures dans le système de gouvernance à plusieurs niveaux de l’Union Européenne » - titre qui ne m’a jamais vraiment semblé très limpide, vu que n’y ont été abordés ni ce dont recèle cette politique en question, ni ces fameux « niveaux de gouvernance ». Inutile d’expliquer à quel point j’ai amèrement regretté le choix de ce cours : il fallut rédiger un exposé sur « La dimension extérieure de la politique de Justice et Affaire Intérieures », expérience qui donna lieu aux 90 minutes les plus humiliantes de mon existence (à l’exception de ce concert de fin d’année en quatrième). Soit. A présent, pour remplir mes obligations de scolarité, il me faut compléter un Hausarbeit d’une vingtaine de pages sur le sujet de mon choix ; en picorant quelque peu ici et là dans le thème de mon exposé, cela donne à peu près cette horreur : « L’externalisation est-elle l’étape finale du processus de sécuritarisation de la politique européenne d’immigration et d’asile ? » (en allemand).

Ce billet n’a cependant pas uniquement pour but de déplorer mon triste sort ou de montrer à tout le monde à quel point j’affronte avec aplomb et opiniâtreté l’adversité académique. Non, il s’agit de vous éclairer davantage sur le sujet que j’étudie, et qui s’avère en vérité être (parfois) assez passionnant. L’immigration et le droit d’asile sont des domaines politiques sensibles traditionnellement liés à la souveraineté des Etats, le contrôle de l’accès au territoire restant une prérogative nationale. C’est pourquoi l’Union Européenne n’a que tardivement dans son développement commencé à en partager la gestion avec ses membres, la discussion de tels thèmes restant d’abord limitée à des forums de coopération internationale dans les années 80. L’ouverture des frontières étant de mise dans le cadre de l’espace Schengen, les responsables politiques nationaux appellent alors à la mise en place de politiques de contrôle de l’immigration aux frontières extérieures et de coopération policière à l’intérieur des frontières afin de « compenser » la liberté de circulation en Europe. Ce n’est qu’en 1992 avec la signature du traité de Maastricht et la création de la politique de Justice et Affaires Intérieures (JAI) que ces thèmes entrent de plain-pied dans le domaine communautaire (même si la prise de décision restait en grande partie encore sujette à un accord à l’unanimité entre tous les Etats).

Ce que les articles académiques sur le sujet tendent à montrer est que ces développements au niveau européen reflètent un changement dans la perception de l’immigration au lendemain de la chute du mur de Berlin : les tensions internationales résultant de l’affrontement des deux blocs étant résolues, de nouvelles « menaces » tendent à apparaître dans le discours politique comme dans la presse et l’opinion publique, telles que les réseaux de criminalité organisée, les trafics transfrontaliers illégaux en tous genres ainsi que le terrorisme. L’abolition des frontières internes contribue à former dans l’opinion des politiques ainsi que du public la perception de telles menaces comme émanant d’au-delà des frontières européennes, d’où la nécessité de contrôler d’autant plus strictement l’accès d’immigrants potentiellement dangereux au territoire national. C’est le début de ce que l’on tend à appeler « la forteresse Europe », le mirage miroitant au-delà du rivage de Tanger ; ce territoire bouclé ne fait qu’inviter davantage les clandestins, dont nombreux finissent tragiquement morts noyés sur les plages espagnoles ou italiennes.

Mais si les frontières de l’Union souffrent d’un tel degré de fermeture, c’est surtout du fait de l’action concertée des responsables politiques nationaux, et non des organes communautaires que sont le Parlement et la Commission. Les réunions des ministres de l’intérieur de l’Union qui ont lieu régulièrement au sein de l’institution du Conseil des ministres constituent un environnement favorable pour ces derniers. Non seulement ceux-ci sont-ils très souvent sur la même longueur d’onde quand aux mesures qu’il convient de poursuivre (restriction de l’accès au territoire, contrôle des flux en partenariat avec Etats tiers), du fait de leur expérience semblable dans leurs ministères respectifs ; mais l’absence de contrôle parlementaire et juridictionnel dans le processus de décision permet également de surmonter les obstacles que ces mêmes décisions eussent rencontré au niveau national. Bref, le Conseil des ministres permet aux responsables exécutifs nationaux de prendre des mesures plus restrictives en toute impunité. La Commission et le Parlement, en revanche, oeuvrent depuis la création de cette politique à la rendre plus englobante, c'est-à-dire à inclure dans les moyens utilisés à la fois des mesures restrictives de contrôle des flux aux frontières ainsi que des outils plus progressifs visant à éliminer les causes de l’immigration à la source ou de mieux intégrer les immigrants dans leur société d’accueil une fois ceux-ci arrivés. La Commission publie ainsi régulièrement des documents soulignant l’importance de compléter la lutte contre les flux de clandestins par des politiques d’aide au développement et d’investissements dirigées vers les pays d’origine. Si ces orientations sont prises en compte dans la mise en œuvre des politiques, il convient cependant de constater que la plupart des fonds alloués continuent à être utilisés pour renforcer les moyens de contrôles aux frontières, sans que le nombre de tentatives d’entrées sur le territoire connaisse de véritable inflexion. Pour que tout espoir d’améliorer la situation des immigrés en Europe puisse se réaliser, il faudrait octroyer davantage de pouvoir au Parlement européen, traditionnellement défenseur d’une approche plus ouverte et respectueuse des droits de l’homme ; il faudrait aussi qu’un travail de longue haleine s’effectue au niveau des opinions publiques nationales, afin d’évacuer le cliché de l’immigration comme source de criminalité, de chômage et de menaces à l’identité nationale. Ce n’est que par un travail effectif de communication positive de la part des politiques qu’un tel changement peut s’effectuer au long terme.


Voir aussi des informations sur la politique d'immigration sur le site de la Commission européenne.