blog européen

dimanche 30 septembre 2007

Oktoberfest : épisode 1

Il était clair avant même mon arrivée en Allemagne que mon séjour ici ne serait pas complet sans avoir effectué une visite de la fameuse Oktoberfest. Celle de Munich est évidemment la plus connue, mais pour des raisons logistiques relatives à la difficulté de trouver un logement à Munich, j'ai du m'en tenir à celle de Stuttgart, plus proche, moins onéreuse et où j'avais un toit pour la nuit. Il s'agit ici en fait d'une gigantesque foire avec pour attractions grandes roues, stands de tir, et des "brauerei" (brasseries) sous d'immenses tentes, où dès cinq heures de l'après-midi, l'on danse déjà sur les tables. Malgré un mélange de populations typique des fêtes foraines (beaufs, racailles et touristes), et des quelques bagarres qui émaillent la soirée, l'ambiance y est des plus chaleureuses. Tout le monde, sans exception, est gai comme un pinson. On y danse volontiers avec des inconnus sur de la musique kitsch, on se prend en photo toutes les deux minutes l'un dans les bras de l'autre, on boit jusqu'à perdre l'équilibre... Même sans avoir bu, on est gagné par l'euphorie du moment. Bref, je m'y suis amusée comme une petite folle.


D'après les cours de "interkulturelle Training" que j'ai reçus tout le long de mes deux semaines de stage d'intégration, l'étudiant Erasmus moyen connaît un "choc des cultures" au cours duquel plusieurs états psychologiques se succèdent. Au cours de la première phase, dite "d'euphorie", l'étudiant est fasciné par la nouveauté de son environnement et trouve tout absolument génial: nouveaux amis, bâtiments, nourriture, etc. C'est au cours de cette phase là que les clichés sur son pays d'accueil ont tendance à être invalidés par l'expérience de tous les jours. Par exemple: tiens, finalement les Allemands sont plus bordéliques qu'on le croyait, puisque leurs trains sont capables d'arriver en retard. Suivent les phases de "gueule de bois" et de "dépression", au cours desquelles le point de vue se retourne, et l'étudiant est à présent agacé par les éléments de sa culture d'accueil qui diffèrent des siens, et cherche à se recréer autour de lui un petit cocon de son pays d'origine.


Si l'on s'en tient à ce schéma, après un mois de séjour en Allemagne, je suis indubitablement toujours dans la phase d'euphorie: que j'aille à la fête de la bière avec mes nouveaux amis ou que je fasse les courses au supermarché du coin, je suis toujours particulièrement joyeuse et excitable.

Pour le reste cependant, je n'arrive pas à m'imaginer quels étaient les stéréotypes avec lesquels je suis arrivée en Allemagne; du coup, je ne peux pas vous dire s'ils ont été ou non balayés. Personnellement, je ne crois pas qu'il soit d'une grande utilité de réduire la richesse des expériences à l'étranger à une petite courbe bête et méchante, encore moins de nous la présenter afin de nous prévenir contre la fameuse phase de dépression. En matière de culture, la plupart des étudiants sont des gens assez sensés pour savoir qu'un stéréotype n'est jamais plus qu'un stéréotype, qu'il ait sa part de vérité ou non. C'est pourquoi il ne faut pas voir dans la fête de la bière l'incarnation suprême de la soit-disante "Bierkultur"; il s'agit à mes yeux d'une tradition qui comporte comme tous les fêtes de ce genre son lot de kitsch, volontairement étalé ou non: stands de Wurst tous les dix mètres, porcs entiers en borche grillant dans les rotisseries, les serveuses aux gorges pigeonnantes en robes traditionnelles et bière coulant à flots dans les grosses choppes de 1,5 L minimum (!)

dimanche 23 septembre 2007

Du concierge, de la mer par terre et autres aventures

S'il n'y a pas de "nature humaine" universellement reconnue, il doit forcément exister une nature commune à tous les concierges du monde. Le "Hausmeister" (le "maître de la maison") du Viktor-Renner Strasse 2, ma résidence, serait selon cette éventualité un véritable cas d'école.

Tous les étudiants internationaux qui ont cherché à y emménager depuis trois semaines ont du, comme moi, se lancer dans une recherche désespérée du mystérieux "Hausmeister", ce dernier étant le seul à détenir les clefs, et ne faisant que des apparitions rares et succintes dans les couloirs de la résidence (bien qu'il soit sensé y vivre). La recherche se transforme alors en une attente quasi-beckettienne, constituée de dialogues absurdes avec des inconnus (en l'occurrence les ouvriers qui travaillent encore sur le bâtiment) et d'un grand sentiment de vide.

Une fois que Godot - pardon - le Hausmeister est arrivé, celui-ci vous demande d'un ton bourru : "Vous avez le reçu?". Quel reçu? Bien évidemment, celui que vous êtes sensé avoir préalablement... reçu auprès de l'administration. Vous venez à peine d'arriver dans le pays? "Macht nichts", ça ne fait rien, il lui faut quand même le reçu...

Une chose menant à une autre, vous réussissez quand même à obtenir les clefs de votre chambre, les draps, etc. Vous recevez alors une seule, ultime et stricte recommandation de la part du Hausmeister: ne pas, dans aucun cas, ouvrir la porte de secours : cela déclenche une alarme. Le ton est tellement menaçant, qu'en cas de feu, je me dirigerais sans doute illico vers l'ascenseur ou toute issue autre que celle de secours.

C'est sans compter la hardiesse involontaire de certains de vos invités, qui à peine trois semaines plus tard, pensant y trouver la cuisine, se précipitent par la porte de secours et déclenchent une sonnerie assourdissante, dont les tons feraient pâlir même Mariah Carey.
Vous prenez votre courage à deux mains. Cette fois-ci, l'expérience aidant, vous savez où trouver le Hausmeister: en haut, non pas au ciel mais au huitième étage. Il faut sonner trois fois pour arracher votre homme à son téléviseur en ce jour du seigneur, trois fois pour qu'il entrouvre sa porte d'un air méfiant du haut de ses 1,55 mètres. Il vous faut bien cinq minutes pour lui expliquer la situation (bien que vous soyez très fiers de vous être souvenus du mot allemand pour "porte de protection du feu"), et encore cinq minutes de réprimandes cinglantes, finissant par un "Ach, ce n'est pas possible" excédé. Il ne lui faut en revanche que trente secondes pour sortir la clef qui arrête la sonnerie, et trois secondes pour vous excuser encore une fois d'un air piteux.

Sinon, sur un tout autre registre, j'ai eu l'occasion avec mon Erasmuskurs de faire une petite excursion à la Bodensee, littéralement, "la mer par terre": ne cherchez pas de mer dans les environs de Tübingen, j'ai déjà essayé. En revanche, je peux vous expliquer que "See" en allemand signifie aussi "lac": et là, vous comprenez aussitôt que ce à quoi je fais référence est en fait tout bêtement le lac de Constance, à la frontière avec la Suisse. Ce fut une journée magnifique, remplie de paysages et d'orgues de barbaries, de glaces et d'orgues baroques.


Enfin, le mot du jour: der Pfifferling (http://de.wikipedia.org/wiki/Pfifferling) = la girolle, également appelée Eierschwammerl en Autriche, à cause de sa couleur qui rappelle le jaune d'oeuf (Ei). Pfifferlinge, donc, que nous avons cherchées aujourd'hui dans la forêt de Brocéliandre au-dessus de chez moi, mais qui sont restées malheureusement absentes du risotto qui s'en suivit, cuisiné par l'Italien du quatrième...

mercredi 19 septembre 2007

Etre français à Tübingen c'est ...

- traverser au rouge, mais quand même hésiter un peu avant

- hurler "Sauerkraut!" dans la rue, bourré, à deux heures du matin

- snobber la nourriture allemande, et aller manger dans les restaurants italiens

- faire bande à part, et se moquer de l'accent des étudiants suisses et belges

- faire un raid de nuit vers les poubelles avec les étudiantes anglaises (pour ne pas que les gens voient que l'on n'a pas trié ses déchets)

- passer son temps à dire: "ah, ça, c'est typiquement allemand!"

(disclaimer: pas tout ce qui est décrit plus haut est de moi)


Cela étant dit, je ne suis pas mécontente de dire que je viens de France: sans être vraiment patriotique, je trouve que cela a un certain chic, et cela me rapproche culturellement des Allemands, davantage en tout cas que si je me déclarais canadienne.

Ensuite, en général, les gens me sortent les quelques mots qu'ils connaissent dans la langue de Molière et de Diam's: "Bonjour!", "Merci!" et "Voulez-vous-coucher-avec-moi-ce-soir?"
Je trouve que le fait de réciter même cette petite fraction de notre language est déjà assez honorable, vu que je ne connais pas un mot de danois, de turc, de norvégien ou de polonais.

Deux fois, déjà, on m'a demandé ce qu'il en était de Sarkozy: la preuve que toute l'Europe a quand même suivi notre campagne présidentielle. Le plus drôle, c'est que les gens, s'il ne connaissent pas Nantes, font un grand "Aaah!" quand je leur explique "c'est en Bretagne"... Un autre expat, qui lui vient de Cherbourg, est obligé de faire référence à Omaha Beach pour que les étudiants Américains arrivent à situer la Normandie...

A room with a view

Images d'une ballade autour de ma résidence...


mardi 18 septembre 2007

A l'Est, pas mal de nouveau

Je vous invite à lever votre chapeau à mon grand retour parmi la communauté mondiale d'internautes. C'est ainsi qu'enfin, avec ô combien de joie, et en m'excusant de mon long silence, je vous livre mes premières impressions (toutes très positives).

Voici plusieurs choses qui ont frappé d'emblée la pseudo-parisienne depuis son arrivée à Tübingen:

- J'habite une chambre d'environ 15 mètres carrés dans une résidence universitaire située sur une colline aux abords de la ville. Comme je l'avais effectivement constaté sur Google Earth ici même, je suis indubitablement et irrémédiablement dans la campagne. A un tel point que j'ai pour voisins les plus immédiats un paisible troupeau de bovins, dont le doux meuglement me réveille parfois le matin. Ce côté pastoral n'est pas pour me déplaire, la contemplation d'une vache en train de brouter étant un spectable étonnamment fascinant.
La vue de ma fenêtre :

Cependant, je m'inquiète quelque peu pour mes congénaires, que je n'ai pas revues depuis le début de la semaine. Le dernier signe de vie remonte à lundi après-midi, quand j'entendis plusieurs mugissements lontains mais déchirants. Soit mes amies les vaches ont quelque peu rechigné à rejoindre définitivement l'étable pour passer l'hiver, soit il s'agissait de meuglements prémonitoires, mes vaches prévoyant de finir en jolies bottes de cuir comme j'en ai vu tant dans les (très) nombreuses boutiques de chaussures en ville.

- Heureusement, au cours de mon séjour de deux semaines à Tübingen, je n'ai pas seulement eu l'occasion de développer des sympathies avec la race bovine, mais aussi avec d'autres êtres humains, dotés d'une conscience et de facultés de langage plus développées. La plupart de mes nouvelles accointances sont d'autres étudiants Erasmus, que j'ai eu l'occasion de rencontrer lors de mes cours préparatoires d'allemand et pendant les nombreuses soirées qui sont organisées à notre encontre. Je parle malheureusement avec beaucoup de français et d'anglais, mais je me rattrape en papotant en allemand aux inombrables autres nationalités: grands blonds danois, italiens , polonais, slovènes, norvégiens (également grands et blonds)...

- J'évoquait les soirées Erasmus (ou Erasmi?) : j'ai l'impression qu'en Allemagne, toutes les occasions sont bonnes pour trinquer un bon coup. Les Français ont beau avoir la réputation d'être de grands buveurs (dire que l'on est français dans une soirée, c'est immédiatement passer pour un expert en vin), les Allemands se rattrapent dans la quantité (mais pas tant dans la qualité...). Il n'y a pas une ville où n'a pas lieu à un moment ou un autre une quelconque fête de la bière ou du vin. Exemple: en ce moment même à Tübingen, sur la place de la mairie, se tient un marché "provençal", qui comprend tout ce qu'il y a de plus kitsch et de plus cher à déguster au sud et à l'ouest du Rhin. La seule différence avec un marché provençal tel que nous le concevons en France, c'est qu'après six heures du soir, cela devient un marché... du vin, où l'on peut trinquer jusqu'à deux heures du matin autour de tables en bois parmi des gens grisés mais sympathiques. Enfin, tout cela n'est pas pour me déplaire: je commence déjà à élaborer des plans pour faire une petite visite de Munich pendant l'Oktoberfest.

- Au sujet de la gastronomie locale, j'avoue avoir quelque plus de difficultés que je ne l'imaginais à m'y habituer. N'ayant pas chopé de salmonellose, de mononucléose, etc., mes réticences peuvent paraître un peu surfaites. Cependant, je vous invite à faire l'expérience de ne manger que du café, des bretzels et des pommes pendant trois jours, puis d'enchaîner avec un régime continu de sandwichs au salami. A l'exception des plats cuisinés par mon voisin italien au 4e étage, je ne pense pas avoir pour l'instant eu l'occasion de manger quoi que ce soit de varié ou d'équilibré (je me fais des dîners-salades pour compenser). Ce weekend, lors d'une visite à Stuttgart, je pense avoir touché le degré zéro de la gastronomie dans un stand de la gare: imaginez-vous une saucisse, de taille conséquente, sur laquelle on balance une grosse louche de ketchup, soupoudrée de poudre à curry. Accompagnez ce beau mélange d'une combinaison de frites et d'un gros demi-litre de boisson gazeuse sucrée, et vous avez le menu à 4 euros chez "Currywurst Express".
Heureusment, il n'y a rien à craindre pour mon physique gracile, car je fais pas mal d'exercice physique: je me suis acheté un beau vélo d'occasion, avec lequel je file d'un bout à l'autre de la ville matin et soir, bravant les défis posés par la géologie locale (pentes, pommiers, trottoirs...). Je soupçonne le type de la boutique d'où je le tiens de m'avoir vendu un vélo pour enfants; peu importe, du moment qu'il sied parfaitement à ma petite taille.

- les Allemands étant très portés sur le tri des déchets, il pullule ici une quantité invraisemblable de poubelles, toutes ayant pour destin de recevoir un type précis de déchet. Il y a les sacs jaunes, pour les emballages, la poubelle pour le papier, pour le verre, la poubelle "Biomüll" (?), la poubelle "Restmüll" (pour le reste)... Personnellement, j'ai quatre poubelles, chacune étant de couleur différente, et dont on ne m'a pas encore expliqué le sens ou la raison: une jaune, une verte, une marron, et une rouge. Mystère et boule de gomme. En attendant l'arrivée de mes colocataires allemands, et au risque de faire mourir des ours blancs dans le pôle nord, je mets tout dans le même sac (le sac jaune, donc).

D'autres remarques en vrac:

- Le respect inoui porté pour les feux de signalisations, par piétons, cyclistes et conducteurs.

- Etonnant, quand on arrive de Paris, de trouver un abri pour pigeons ( je mettrai une photo pour en attester l'existence)

- Les méthodes pédagogiques allemandes: surtout, ne pas stresser les étudiants, au risque de les infantiliser

- Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les bus et les trains allemands ne sont pas toujours à l'heure.

- Cela fait plaisir de ne pas entendre parler de Sarkozy tous les jours, cinq fois par jour.

Voilà pour l'instant. J'espère pouvoir à l'avenir être davantage à jour dans le récit de mes aventures!

dimanche 2 septembre 2007

Last Days in Paris

J'ai passé mes derniers jours à Paris entre adieux larmoyants (ou presque) et état des lieux réussi. Cela a été l'occasion pour moi de visiter des quartiers de Paris que j'avais jusqu'alors occultés, tels Choisy, ses tours et ses boutiques sino-vietnamiennes, ou Belleville, avec ses kebabs et son siège de la CFDT.
J'aime Paris. Mais je ne regretterai pas ses millions de touristes, son dédale de couloirs de métro bruyants, chauds, et puants, et ses beaux quartiers qui respirent une malsaine autosatisfaction.
J'en ai par ailleurs profité pour fréquenter un maximum d'expositions et de musées, non pas dans le but de me remplir la panse de culture avant d'aller me vautrer dans la misère intellectuelle d'un quelconque campus paumé au fin fond du "pays des buveurs de bière"... Non, j'ai simplement profité des opportunités offertes par le fait d'habiter une grande métropole.
Je sais que nombre des lecteurs de ce blog ne sont pas parisiens; quoi qu'il en soit, je vous fais un petit descriptif de mes visites pour ceux que cela intéresse.

Je ne saurais combien vous recommander l'exposition "Weegee" au musée Maillol. Weegee, photographe de presse à New York dans les années 30-40, était du genre à vivre dans sa voiture et écouter les rapport de la police à la radio, afin d'être le premier à se précipiter sur les lieux de crimes et de faits divers dans les nuits newyorkaises. Une ambiance parfois très sombre, très "film noir", où l'on sent le caractère presque oppressant de la ville. Tout au long de sa carrière, Weegee a photographié les grands du monde comme les plus humbles, en soulignant pour ces derniers l'étrangeté de certains regards, nous renvoyant à notre propre perception du "monstrueux".

Le musée Picasso (dans le marais) un grand classique : indispensable pour se faire une culture esthétique.

L'exposition est un plaisRoy Lichtenstein à la Pinacotèque, place de la Madeleine: exposition à laquelle manquerait sans doute des commentaires des tableaux, pour les ignares comme moi qui n'apprécient l'art qu'en distants amateurs. Dans les commentaires qui existent déjà, trop de références à "l'expressionisme abstrait".ir dans la mesure où les oeuvres de Lichtenstein sont truffées de références à d'autres grands maîtres, notamment Picasso. Les oeuvres de ce dernier étant fraîchement inscrites dans ma mémoire, je me suis donc sentie très intelligente en remarquant par exemple les correspondances ci-dessous:




Autres références, de Picasso au "Baiser" de Klimt cette fois-ci.




Je suis passée de Picasso au pop art; pour boucler la boucle, sachez que Warhol a lui-même été inspiré par les photos de Weegee, allant jusqu'à les répliquer dans ses sérigraphies: