blog européen

mardi 26 février 2008

Nouvelles en général

Parmi les sujets de l'actualité qui me préoccupent en ce moment sont à compter les propositions toutes plus inquiétantes les unes que les autres de Nicolas Sarkozy. Que penser de ce président, toujours pétri de contradictions? Lui que l'on a vu il y a quelques temps se pavaner en Rolex, mannequin sous le bras, cherche à présent à redorer le blason de sérieux et de dignité de la fonction présidentielle en orientant l'actualité vers de thèmes de nature à polariser les débats et remobiliser le soutien de l'électorat de droite conservative : sécurité (action policière d'ampleur en banlieue et "rétention de sûreté") et mémoire historique (reprise en main de l'héritage gaulliste et de la mémoire de la Shoah). Ainsi, Sarkozy pensait peut-être gagner des points faciles dans la bataille des côtes de popularité par cette proposition de "démarche pédagogique" auprès d'enfants de CM2, car personne n'oserai remettre en question la lutte contre la "bête immonde du racisme" que représenterait la Shoah. Tentative ratée, car les représentants d'associations juives, historiens, et intellectuels se sont tous levés contre cette instauration d'une mémoire d'Etat de la Shoah, niant toute la complexité du phénomène historique et de nature à traumatiser nos petits pious pious par la charge émotionnelle que représente la mémoire d'un petit juif assassiné. La référence à l'héritage gaulliste par Sarkozy aux Invalides, à l'occasion de l'érection d'une stèle en la mémoire du grand Charles est également rigolote au vu des différences flagrantes entre les deux présidents. De Gaulle, justement, qui aimait les conférences de presse fleuves et les bons mots, n'était pas du genre à s'énerver à la moindre insulte... S'il cherche à regagner des points, peut-être Sarkozy ferait-il mieux de s'occuper de politique étrangère? Sur le plan des rapports de la France avec ses partenaires européens, le résultat est mitigé. Symbole de poids, la France à certes été le premier pays à ratifier par voie parlementaire le traité de Lisbonne, la clef du débloquement institutionnel de l'UE. Cependant, sur un certain nombre de points Sarkozy continue à susciter l'exaspération, et avant tout à Berlin. Ici, en Allemagne, le style politique nerveux, médiatiquement hyperactif et "bling bling" de Sarkozy constitue le paradigme inverse de l'approche analytique, prudente et de l'attention au détail de la chancelière (n'oublions pas la formation de physicienne d'Angela Merkel). Les tentatives de Sarkozy de s'attribuer le succès des négociations du traité de Lisbonne ont blessé la diplomatie allemande, elle-même en majorité responsable des compromis passés face aux réticences britanniques et polonaises. A ces incompatibilités d'humeur s'ajoutent des discordances de fond: le déficit budgétaire comme les critiques françaises de la Banque Centrale Européenne agacent les Allemands, qui nous accusent de prendre des initiatives les concernant sans les consulter ou d'user de plusieurs langages selon qu'ils sont à Berlin ou à Paris. C'est particulièrement vrai de l'idée d'Union méditerranéenne (voir un article dans The Economist ici pendant qu'il est encore en ligne), dans laquelle le gouvernement allemand décèle un risque de division de l'Union européenne, y voyant une tentative de création d'une entité dont elle serait naturellement exclue. Symptomatique des rapports réellement maussades entre nos deux capitales, le report de trois mois de la prochaine rencontre franco-allemande au sommet, qui devait avoir lieu le 3 mars à Straubing, en Bavière, serait dû au "calendrier chargé" de Nicolas Sarkozy. Toutes ces pommes de discorde devraient être un motif d'inquiétude pour nos diplomates. Je m'inquiète de la déstabilisation du couple franco-allemand par un retour à une politique extérieure de grandeur à la française. Sans le moteur de la coopération entre nos deux pays sur lequel l'Europe s'est construite, celle-ci perd une partie de son âme. Quand notre président le comprendra-t-il ?

Des badauds et des ours

Le temps ayant été particulièrement clément ces derniers jours à Tübingen et à Stuttgart, les rues et les parcs se trouvent soudainement envahis de badauds un peu ébahis par les rayons de soleil hivernaux. C'est l'occasion de remarquer l'absence de lieux "sociaux", c'est à dire d'endroits où les gens se retrouvent pour flâner, discuter, prendre le soleil en public : terrasses de cafés, squares, parcs et marches d'opéra sont tous des lieux de vie où l'on se croise, l'on se rencontre et l'on se frotte l'un à l'autre de manière (j'oserai dire) assez "latine". Paris fourmille de pareils endroits. Ici, la différence est flagrante, tellement les espaces de vie commune sont rares. L'on a ainsi vite fait le tour de la "Schlossplatz" de Stuttgart et de son parc adjacent, l'un des seuls grands lieux ouverts et agréables à contempler de la ville. Ce dimanche, l'affluence était telle que les gens se trouvaient obligés de s'entasser les uns sur les autres sur la pelouse, par fois à même la rue. A Tübingen, ville universitaire que je connais également un peu mieux, les lieux de rencontre me semblent plus nombreux quoi qu'encore restreints par la petite taille de la ville. L'ex jardin botanique comme le pont sur le Neckar sont d'assez sympathiques lieux de rencontre (photos à venir); sinon, il reste encore la machine à café du restaurant universitaire, centre névralgique de la vie estudiantine. Peut-être ce nombre relativement restreint de lieux communs est-il dû à cette hypothétique sphère d'espace individuel à laquelle les Allemands vouent tant de respect, et qui les rendraient moins "sociaux" et plus individualistes que nous latins. En même temps, je répugne à avancer une explication du genre à confirmer les clichés sur les différences culturelles au sein de l'Europe. Je dirais plutôt que la vie sociale des Allemands, qui ne sont pas plus froids que leurs voisins italiens, se mène et s'épanouit davantage dans des cercles privés (famille, amis) sans qu'ils aient recours à autant de lieux de vie publique que nous en France. Ce pourquoi il est étrange de les voir se précipiter par milliers sur la pelouse de la même place afin de profiter des premiers rayons du printemps. Mon cône de glace au cassis à la main, je me sentais moi-même un peu comme un ours sorti d'une longue hibernation...

Nouvelles au particulier

Un grand bonjour tardif.

Merci de vos protestations renouvelées sur mon blog ces derniers temps, je suis en effet tout à fait impardonnable. Le problème de mon silence est du au fait que j'ai encore une masse très importante de boulot à finir, mais n'ayant pas de date précise pour rendre mes trois devoirs de 8 à 20 pages chacun (en allemand, bien entendu), je n'ai pas non plus de pression constante me forçant à mettre les bouchées doubles. Résultat, je bosse un petit peu tous les jours, mais pas assez; et le temps que je ne passe pas à écrire mes "hausarbeit", je culpabilise. Je me force de plus à éviter - avec assez peu de résultats probants - tout contact avec l'internet (msn, facebook...) du fait de son effet très néfaste sur la concentration.


Bref, comme vous l'aurez deviné, il s'agit d'un très puissant mélange d'obligations universitaires
et de flemme qui tempère ma volonté de donner des nouvelles régulièrement.
Ici en Allemagne, c'est la fin de semestre, ce qui a signifié entre autres une série de partiels, et notamment mon premier oral en allemand. Je suis assez fière de mes résultats, qui sont dûs en partie à un coup de fouet auto-imposé dans les trois semaines avant les examens, en partie à l'indulgence que les profs ont pour mon statut d'erasmus, le "bonus erasmus" comme on l'appelle ici. Ne sachant pas vraiment lequel des deux facteurs prime vraiment sur l'autre, je ne peux que songer à certains étudiants internationaux que j'avais rencontré l'année dernière à sciences po qui se heurtaient à l'intolérance de certains maîtres de conférence. Ceux-ci étaient particulièrement inaptes à comprendre les difficultés des élèves à lire des textes d'illustres juristes, ou à faire des exposés et saisir les subtilités de la langue science piste (je pense notamment à la "susmulgation" de la loi sur le CPE, fin néologisme d'Olivier Duhamel). Les élèves américains en particulier rencontraient un degré minimal de sympathie de la part des profs, même si mon expérience personnelle des étudiants américains ici tend à confirmer l'idée selon laquelle ils sont souvent ceux à faire le moins d'efforts pour apprendre la langue locale.
Ici, en tout cas, les Allemands semblent avoir intégré l'idée que la langue de Goethe comme de Rammstein et Tokyo Hotel est en effet assez difficile à maîtriser pour un non-initié. J'ai encore des élans de reconnaissance envers une jeune fille assise au premier rang lors de mon dernier exposé, qui m'écoutait balbutier avec un sourire et en faisant des hochements de tête encourageants... Hier soir, une de mes voisines avec qui je n'avais pas parlé depuis plusieurs moi m'a assuré que mon allemand était devenu "brutalement bon", selon les usages de la langue "djeunes" d'ici. Cela fait toujours plaisir à entendre.


Avec la fin du semestre arrivent également à échéance les séjours de certains autres étudiants érasmus qui ne restaient que pour six mois. L'occasion de tristes adieux, mais qui portaient également la promesse d'éventuelles visites réciproques. Parmi ceux que je regretterai, une bande de Danois dont la rencontre m'a fait prendre conscience d'une entière du continent que j'avais alors complètement occultée : la Scandinavie, jusqu'alors point aveugle de ma vision de l'Europe. La France n'a effectivement dans son histoire eu des liens que très ponctuels avec ces pays, avec des résultats peu concluants : ainsi, le Danemark perdit la Norvège lorsqu'il choisit de sortir de son isolationnisme et eu la mauvaise idée de soutenir Napoléon dans ses visées européennes. Les Danois ne nous en veulent pas pour autant : j'ai ainsi entendu que le français est la langue étrangère la plus apprise à l'université (après l'anglais), les étudiants préférant la jolie sonorité de notre langue aux difficultés syntaxiques de l'allemand. La France quand à elle, imbue de son propre rayonnement culturel, n'a malheureusement importé de Scandinavie que Abba, IKEA et Aqua. Mais les royaumes scandinaves sont également les terres d'origine de Kierkegaard, Henrik Ibsen et de la sociale-démocratie. Contrairement à la France, ils ont été les premiers pays à accorder le droit de vote aux femmes, et se targuent également d'avoir écrit un hymne national des plus ennuyeux qui parle d'un "doux pays" doté de "vertes frondaisons", de fleuves et de collines. Ha ha. Les Norvégiens, pour se différencier, évoquent dans leur hymne leur glorieux passé viking ("Cette terre fut sauvée par Harald / Avec sa troupe de guerriers / Ce pays que Håkon a défendu / Pendant que Oyvind le troubadour composait Olav...")
Cette ode à la Scandinavie ayant été faite, je m'apprête cependant à m'envoler mercredi pour le Portugal - Lisbonne, pour être plus précise - où la température est de moyenne de 10 degré plus élevée qu'à Stuttgart et Tübingen. J'y vais quelque peu la main dans les poches, espérant que l'anglais et mes maigres connaissances d'espagnol m'aideront à y survivre le temps d'une courte semaine.

Je me découvre également un nouvel intérêt pour l'Italie au travers de moult discussions avec mon ami véronais du quatrième étage (qui n'aime pas Roméo et Juliette), discussions dont les thèmes vont de la meilleure marque de pâtes en Italie au triste sort de Romano Prodi en passant par notre dégoût commun pour les mélanges vin/autre boisson (coca cola, eau gazeuse, jus d'orange) souvent pratiqués dans les contrées où le bon goût n'est pas encore passé. Croisons les doigts pour la réussite du Parti Démocratique italien lors des prochaines élections !