blog européen

lundi 16 juin 2008

Déception irlandaise

Je retire deux choses du « non » irlandais au traité de Lisbonne : d'une part, un certain fatalisme au regard de mes perspectives professionnelles, d'autre part, la conviction qu’en ce qui concerne l’Europe, le référendum n’est pas une solution démocratique.

Prenez un texte, peut-être bon mais que personne n'a lu. Prenez un système de vote qui encourage surtout les électeurs à voter pour ou contre celui qui le propose. Divisez le tout pour être à l'échelle d'un pays (et ajoutez à la miction une grosse dose de slogans murdochiens). Résultat: NON, garanti à 100%.

On taxe nos politiciens de lâcheté lorsqu’ils tentent de circonvenir la ratification du traité de Lisbonne par voie référendaire. En réalité, il faut tout simplement convenir que ce genre de texte ne se prête pas à la ratification par référendum.

Tout d’abord, on demande d'approuver un traité qui n'est pas rédigé en clair. Il n'est ni « mini » ni « simplifié », c'est un ensemble de pointeurs vers divers documents, tous plus techniques les uns que les autres, qui forment un ensemble totalement abscons. On se méfie alors d’un texte auquel l’on n’a rien compris, et de la manière dont la quasi-totalité des forces politiques s’engage pour le défendre. Une fois le doute installé, il est facile pour les alliances hétéroclites de partis souverainistes, d’extrême droite et de gauche radicale de s’engager dans la brèche. Force est de donner en partie raison aux critiques de l’Union, qui dénoncent lors de chaque nouvelle défaite de l’Europe aux urnes le divorce entre les opinions publiques européennes et leurs élites politiques.

Je préfère laisser le détail du calcul des majorités, de la rotation des présidences et du nombre de commissaires à nos gouvernements. Les citoyens devraient prendre l’opportunité d’exprimer leur mécontentement à l’occasion des élections européennes. Celles-ci, qui ont lieu partout en Europe en même temps, sont l’occasion de surmonter les enjeux politiques nationaux. Il y a encore des progrès à faire en ce qui concerne le renforcement du Parlement Européen : les partis doivent parvenir à une plus grande visibilité, en établissant des programmes clairs et des listes transnationales par exemple.

Perte d'influence dans une Europe élargie, globalisation entraînant des délocalisations, bureaucratie et surabondance de règles, immigration abusive… Elle a bon dos l’Europe, dans tous ces éléments qui alimentent le débat politique. Paradoxalement, cette tendance à décrier « Bruxelles » est renforcée par les hommes politiques eux-mêmes, toujours prêts à rendre l’euro responsable de la vie chère (Berlusconi est en ce sens exemplaire).

L’Union est loin d’être parfaite. Mais pour atteindre l’Europe dont on a rêvé, il faut d’abord se mettre d’accord sur les institutions qui nous permettrons de la construire. Et c’est de cela dont il s’agit dans le traité de Lisbonne.

dimanche 4 mai 2008

"Nazis raus"

Le 1er mai est aussi en Allemagne un jour chômé, donnant traditionnellement lieu à des manifestations de la part des syndicats et des partis de gauche dans tout le pays. A Tübingen cependant persiste une vieille tradition, basée sur l’institution des « Burschenschaft », sortes d’associations d’étudiants souvent politiquement très conservatrices. Depuis leur formation au début du dix-neuvième siècle dans un contexte d’invasions napoléoniennes, ces ligues étudiantes ont constitué le foyer d’un sentiment national, alors que l’Allemagne n’existait pas encore en tant que telle. Ce nationalisme, initialement plus culturel que politique et influencé par le courant romantique qui traversait l’Europe, a mué au fur et à mesure de la mise en place du Reich, éclatant en plusieurs tendances politiques, dont celle qui mènera par la suite à l’idéologie raciste et expansionniste de la dictature nazie. Les membres des Burschenschafts, qui se conçoivent comme les nobles tenants de la fierté nationale allemande, n’en appellent pas (seulement) à l’ancien sentiment romantique libéral du début du vingtième siècle, mais incluent tout aussi bien dans leur héritage une nostalgie de l’autocratie traditionaliste bismarckienne, voire d’un lointain et fantasmatique Moyen-âge germanique pour les plus attardés.

Il existe heureusement aujourd’hui toutes sortes de Burschenschafts qui ne sont pas aussi rétrogrades dans leur idéologie. Elles furent et sont aujourd’hui encore assez puissantes au sein des universités ; la grande majorité des hommes politiques allemands en sont d’ailleurs issus, continuant régulièrement à en alimenter les caisses. La nuit précédant le 1er mai est l’occasion d’un rituel au cours duquel les membres des Burschenschafts les plus conservatrices manifestent leur présence dans la ville de Tübingen : ils sortent habillés de vestes et de casquettes arborant les couleurs de leur ligue, portent des bougies et entonnent des chants nationalistes. Je n’ai pu assister que de loin à leur étrange petit manège, car les 250 « Burschis » d’extrême-droite et moi étions séparés par un cordon de police et une foule d’environ 2000 contre-manifestants échauffés, pour qui cette tradition représente une violente provocation. Tübingen, ville étudiante, est tout de même relativement parlant un bastion de gauche dans la région, et le soir du premier mai est également une occasion pour les militants de toutes tendances de gauche confondues de faire une démonstration de force réussie. Ainsi, arrivant sur la place du marché dans la vieille ville vers 11 heures du soir, lieu tranquille où je me verrais plutôt prendre un café ou un kebab que manifester, je découvre une ambiance de manif-festive comme j’ai pu en voir à l’époque du CPE en France. Ici circulent bouteilles de bières, drapeaux des jeunesses socialistes allemandes ; par là on joue les Rolling Stones sur une sono géante, entrecoupés d’un discours anti-nazi aux accents marxistes. On chante l’ « Internationale »… le tout sous le regard blasé de plus d’une centaine de policiers qui attendent derrière une grille, bardés comme si nous étions au G8. Tout le centre ville était d’ailleurs déjà bouclé depuis une heure, avec interdiction de circuler dans les rues par lesquelles étaient prévus de passer les manifestants des Burschenschafts. Ceux-ci sont attendus avec impatience : les étudiants d’une résidence qui se trouve sur leur parcours ont notamment prévu de les accueillir avec des seaux d’eau et autres charmantes délicatesses. Quand ceux-ci débarquent enfin sur la place, la musique est brutalement coupée et l’ambiance bon enfant vire tout d’un coup à une tension quasi-palpable. Je peux à peine apercevoir les Burschis, pour le moins les entendre tant la foule est compacte, avec des sifflements et des « Hau ab ! Hau ab » (« casse toi ! ») qui retentissent de tous les côtés. Le tout me semble très institutionnalisé : la police était partout, et il n’y avait absolument aucun risque (ni volonté de part et d’autre) de débordement. Mais j’ai constaté avec plaisir l’ambleur de la contre-manifestation; dans la foule, hurlant et vociférant, on pouvait voir pratiquement autant d’étudiants en dreds de la faculté de philo que de vieilles dames à l’air respectable.

Le rituel du soir du premier Mai n’est d’ailleurs pas seulement une nuisance pour les étudiants et les partis de gauche, pour qui la présence de ces jeunes nationalistes est complètement inadmissible : la ville de Tübingen, qui doit trouver un moyen de faire respecter le droit de rassemblement et de manifestation de tout un chacun sans que violence s’en suive aimerait également s’en passer. D’après le « Schwäbisches Tagblatt », la feuille de chou locale, près de cinq cent policiers ont été réquisitionnés pour contenir les manifestants, faisant monter les coûts de cette nuit à plus de 100 000 euros : voilà de l’argent qui aurait sans doute pu trouver un meilleur usage.

L'arrivée du printemps à Tübingen

Les prévisions météos pour la semaine prochaine à Tübingen : c'est assez extraordinaire pour être relevé dans ce blog.


La preuve en images: la vue par ma fenêtre ce matin!


lundi 14 avril 2008

La solitude de l’étudiant Erasmus dans les cours de théorie politique

Première semaine de cours du second semestre: une époque décisive, pleine d’espoirs déçus, d’angoisses administratives et de fêtes estudiantines à l’allemande, c’est à dire bien arrosées de bière pas bonne mais bon marché. Nous ne sommes encore que lundi, mais j’ai déjà gouté aux affres des inscriptions pédagogiques décidément très libérales de l’université de Tübingen. Ainsi, une partie des cours de chaque faculté étant mise en ligne préalablement à la rentrée, il convient le plus souvent de simplement s’inscrire en utilisant les codes fournis à chaque étudiant par l’université. Seulement, il peut s’avérer que certaines facultés informatiquement analphabètes négligent de mettre leur offre de cours sur internet : c’est notamment le cas de celle d’histoire de l’art. Dans ce cas là, l’on peut soit acheter un épais livre détaillant tous les cours fournis par l’université un par un (6 euros), soit (et cela est préférable, vu que le livre est publié en février alors que beaucoup de profs n’ont pas encore préparé les cours du semestre prochain) l’étudiant modèle zélé s’adresse directement à la faculté qui l’intéresse. Mais admettons que l’institut de science politique ait déjà mis en ligne tous ses cours. Là, vous vous rendez compte qu’il manque pour chacun d’eux un petit détail qui peut complètement chambouler votre emploi du temps : nombre de crédits octroyés (jamais précisé), jour et horaire des séances (parfois), date de début des cours… Ainsi, le séminaire de « Théories du fédéralisme » a normalement lieu de 14h à 16h tous les lundis dans le bâtiment « Alte Archäologie » (allez voir le lien avec l’archéologie ?) sans qu’il soit précisé si les cours commencent aujourd’hui ou la semaine prochaine. Ce genre de petite négligence a pour conséquence qu’une vingtaine de personnes, dont moi, ont du aujourd’hui se déplacer rien que pour constater que oui, effectivement, c’est la semaine prochaine. Une autre absurdité organisationnelle consiste en le fait que tous les cours magistraux de l’institut de science politique, qui sont au grand total de quatre, sont concentrés sur les mêmes plages horaires le mardi et le mercredi. Les séminaires de troisième année d’études étant eux-mêmes également très rares et ayant lieu les mêmes jours que les cours magistraux, il s’ensuit que je vais sans doute avoir entre 6 et 8 heures de cours chaque mercredi, et rien ou presque le lundi, jeudi et vendredi. C’est « quatsch » comme on dit ici : n’importe quoi. La première semaine est également l’occasion de quelques petits moments de solitude, lorsqu’on se rend compte que l’on est le seul étudiant Erasmus à avoir choisi ce cours au nom décidément très rebutant (celui sur le fédéralisme notamment). Autour de soi papotent gaiement les étudiants allemands à une vitesse supersonique, sans laisser la moindre interstice dans laquelle une petite étudiante française pourrait glisser trois mots. Je sens que l’expérience va encore se renouveler la semaine prochaine dans mon cours de « Théories d’intégration européenne » ; par chance, j’ai décidé d’éviter le cours de « Théories du parlementarisme »… Si les approches théoriques leur sortent par les trous de nez par ici, j’ai tout de même réussi à dégoter une place dans un séminaire sur le cinéma allemand, ainsi qu’un cours magistral d’introduction à l’architecture du vingtième siècle (qui en toute logique lui a lieu dans le bâtiment de la fac de droit).

En attendant, je m’évertue au possible afin de finir mon satané Hausarbeit sur la politique européenne d’immigration et d’asile. C’est d’ailleurs à partir d’un ordinateur de la fac que j’écris ce billet (le clavier allemand n'a plus de secrets pour moi), lieu plus propice à la concentration et à situé à proximité d’un nombre de machines à café beaucoup plus important que ma propre chambre. Permettez moi de me souhaiter à moi même bon courage par l'intermédiaire de ce blog...

mercredi 9 avril 2008

Hausarbeit macht frei, ou à qui décerner la faute de la forteresse Europe

L’année universitaire en Allemagne est traditionnellement divisée en deux semestres, comme nous en avons la coutume en France, à l’exception notable du fait que les étudiants disposent ici de deux mois de vacances entre le semestre d’hiver et celui d’été, et non de deux semaines. C’est l’occasion de voyager, comme vous avez pu le constater, mais aussi d’effectuer des stages ou de travailler. Une autre occupation principale consiste à finir les mémoires (les « Hausarbeit ») dus pour des conférences effectuées le semestre précédent. Cela a notamment été mon cas : ayant pendant plusieurs mois agonisé sur ces travaux, il me semble raisonnable de partager ouvertement mes peines vis-à-vis de cette tâche apparemment insurmontable. Il s’agit de rédiger une vingtaine de pages pour ma conférence de méthode sur « La politique de Justice et Affaires Intérieures dans le système de gouvernance à plusieurs niveaux de l’Union Européenne » - titre qui ne m’a jamais vraiment semblé très limpide, vu que n’y ont été abordés ni ce dont recèle cette politique en question, ni ces fameux « niveaux de gouvernance ». Inutile d’expliquer à quel point j’ai amèrement regretté le choix de ce cours : il fallut rédiger un exposé sur « La dimension extérieure de la politique de Justice et Affaire Intérieures », expérience qui donna lieu aux 90 minutes les plus humiliantes de mon existence (à l’exception de ce concert de fin d’année en quatrième). Soit. A présent, pour remplir mes obligations de scolarité, il me faut compléter un Hausarbeit d’une vingtaine de pages sur le sujet de mon choix ; en picorant quelque peu ici et là dans le thème de mon exposé, cela donne à peu près cette horreur : « L’externalisation est-elle l’étape finale du processus de sécuritarisation de la politique européenne d’immigration et d’asile ? » (en allemand).

Ce billet n’a cependant pas uniquement pour but de déplorer mon triste sort ou de montrer à tout le monde à quel point j’affronte avec aplomb et opiniâtreté l’adversité académique. Non, il s’agit de vous éclairer davantage sur le sujet que j’étudie, et qui s’avère en vérité être (parfois) assez passionnant. L’immigration et le droit d’asile sont des domaines politiques sensibles traditionnellement liés à la souveraineté des Etats, le contrôle de l’accès au territoire restant une prérogative nationale. C’est pourquoi l’Union Européenne n’a que tardivement dans son développement commencé à en partager la gestion avec ses membres, la discussion de tels thèmes restant d’abord limitée à des forums de coopération internationale dans les années 80. L’ouverture des frontières étant de mise dans le cadre de l’espace Schengen, les responsables politiques nationaux appellent alors à la mise en place de politiques de contrôle de l’immigration aux frontières extérieures et de coopération policière à l’intérieur des frontières afin de « compenser » la liberté de circulation en Europe. Ce n’est qu’en 1992 avec la signature du traité de Maastricht et la création de la politique de Justice et Affaires Intérieures (JAI) que ces thèmes entrent de plain-pied dans le domaine communautaire (même si la prise de décision restait en grande partie encore sujette à un accord à l’unanimité entre tous les Etats).

Ce que les articles académiques sur le sujet tendent à montrer est que ces développements au niveau européen reflètent un changement dans la perception de l’immigration au lendemain de la chute du mur de Berlin : les tensions internationales résultant de l’affrontement des deux blocs étant résolues, de nouvelles « menaces » tendent à apparaître dans le discours politique comme dans la presse et l’opinion publique, telles que les réseaux de criminalité organisée, les trafics transfrontaliers illégaux en tous genres ainsi que le terrorisme. L’abolition des frontières internes contribue à former dans l’opinion des politiques ainsi que du public la perception de telles menaces comme émanant d’au-delà des frontières européennes, d’où la nécessité de contrôler d’autant plus strictement l’accès d’immigrants potentiellement dangereux au territoire national. C’est le début de ce que l’on tend à appeler « la forteresse Europe », le mirage miroitant au-delà du rivage de Tanger ; ce territoire bouclé ne fait qu’inviter davantage les clandestins, dont nombreux finissent tragiquement morts noyés sur les plages espagnoles ou italiennes.

Mais si les frontières de l’Union souffrent d’un tel degré de fermeture, c’est surtout du fait de l’action concertée des responsables politiques nationaux, et non des organes communautaires que sont le Parlement et la Commission. Les réunions des ministres de l’intérieur de l’Union qui ont lieu régulièrement au sein de l’institution du Conseil des ministres constituent un environnement favorable pour ces derniers. Non seulement ceux-ci sont-ils très souvent sur la même longueur d’onde quand aux mesures qu’il convient de poursuivre (restriction de l’accès au territoire, contrôle des flux en partenariat avec Etats tiers), du fait de leur expérience semblable dans leurs ministères respectifs ; mais l’absence de contrôle parlementaire et juridictionnel dans le processus de décision permet également de surmonter les obstacles que ces mêmes décisions eussent rencontré au niveau national. Bref, le Conseil des ministres permet aux responsables exécutifs nationaux de prendre des mesures plus restrictives en toute impunité. La Commission et le Parlement, en revanche, oeuvrent depuis la création de cette politique à la rendre plus englobante, c'est-à-dire à inclure dans les moyens utilisés à la fois des mesures restrictives de contrôle des flux aux frontières ainsi que des outils plus progressifs visant à éliminer les causes de l’immigration à la source ou de mieux intégrer les immigrants dans leur société d’accueil une fois ceux-ci arrivés. La Commission publie ainsi régulièrement des documents soulignant l’importance de compléter la lutte contre les flux de clandestins par des politiques d’aide au développement et d’investissements dirigées vers les pays d’origine. Si ces orientations sont prises en compte dans la mise en œuvre des politiques, il convient cependant de constater que la plupart des fonds alloués continuent à être utilisés pour renforcer les moyens de contrôles aux frontières, sans que le nombre de tentatives d’entrées sur le territoire connaisse de véritable inflexion. Pour que tout espoir d’améliorer la situation des immigrés en Europe puisse se réaliser, il faudrait octroyer davantage de pouvoir au Parlement européen, traditionnellement défenseur d’une approche plus ouverte et respectueuse des droits de l’homme ; il faudrait aussi qu’un travail de longue haleine s’effectue au niveau des opinions publiques nationales, afin d’évacuer le cliché de l’immigration comme source de criminalité, de chômage et de menaces à l’identité nationale. Ce n’est que par un travail effectif de communication positive de la part des politiques qu’un tel changement peut s’effectuer au long terme.


Voir aussi des informations sur la politique d'immigration sur le site de la Commission européenne.

jeudi 3 avril 2008

Allemagne, année 0 + un semestre

Je suis de retour à Tübingen et étrangement, je ne mange que du saucisson : non pas par nostalgie de la mère patrie, mais en l’absence de tout autre condiment encore comestible. A part des pâtes, il ne reste dans mon placard qu’un vieil oignon qui a pris une valeur sentimentale du fait de son long séjour chez moi et que j’ai l’intention de planter. Sinon, la cuisine commune de mon étage ayant été laissée aux soins de deux locataires mâles pendant un mois, nous avons du frôler la catastrophe sanitaire (je vous épargnerai la description de la poubelle « déchets organiques » laissée à ses propres dépens un mois durant).

D’ici une semaine ou deux cependant les autres colocataires devraient revenir et la vie en résidence reprendre son cours habituel. Résultat des courses après un mois de vacances : plusieurs milliers de kilomètres parcourus, zéro trace de soleil sur mon visage et un appartement dans le sixième arrondissement de Paris, à disposition dès le mois d’août. Bilan somme toute plutôt positif, non ?

Lisbonne

C’est avant tout la moyenne des températures de dix degrés supérieure à celle de Stuttgart qui a poussé deux voyageurs avides d’océan et de soleil vers les côtes lisboètes, lovés sur les bords du Tage. Entre un petit saut en tram le long des sinueuses rues aux murs blanchis et de savoureux poissons grillés, nos amoureux ont pu s’offrir une revigorante cure d’air marin. La est dominée par un certain nombre de collines : nous y avons cherché toute une soirée durant, dans un épisode décidément très kafkaïen le mystérieux château de Lisbonne, Castelo Sao Jorge, dont les remparts sont certes visibles de loin mais impossibles à trouver dans le labyrinthique dédale de rues de l’Alfama, la vieille ville. Ce quartier, la seule partie de Lisbonne qui ait survécu au tremblement de terre de 1755, est le berceau d’un style musical appelé le fado : chant mélancolique, accompagné d’une guitare, qui était couramment pratiqué dans les quartiers pauvres du Portugal avant de devenir populaire auprès de la bourgeoisie à l’époque de la dictature salazariste.

Un vrai plaisir pour les yeux, le nouveau quartier à l’architecture futuriste, construit à l’occasion de l’exposition universelle de 1999 comprend notamment la gare d’Oriente, avec ses voûtes rappelant alternativement des ogives gothiques ou d’immenses végétaux. On peut également y trouver le plus grand aquarium d’Europe. Autour d’un immense bassin, contenant l’équivalent de plusieurs piscines olympiques où évoluent des milliers de thons, de bars, de requins, de raies en tous genres, le visiteur peut apprécier dans les cinq bassins annexes toute la diversité de chacun des cinq continents. On frissonne d’être aussi près d’animaux que l’on ne voit normalement que dans des documentaires arte dans la sécurité de son salon, et l’on en sort exténué, écrasé par le sentiment de sa propre insignifiance face à la démesure de l’océan.
A noter de particulièrement chouette, le pont Vasco de Gama : 18km de long ! La visibilité ne permettant pas toujours d’en voir l’autre bout, le pont semble s’étendre à l’infini et disparaître poétiquement à l’horizon…

Lisbonne en images

Dans l'ordre : la vue sur le Tage du haut de la colline du quartier de l'Alfama; la tour de Belem, point de départ du navigateur Vasco de Gama et ancienne "tour de contrôle" maritime de l'estuaire; la gare d'Oriente; l'aquarium.





Frankfort et Berlin

Je n’ai que brièvement eu le temps de visiter Frankfort sur le Main, mais elle donne tout de suite l’impression au visiteur de cumuler beaucoup de contrastes. Ville de naissance de Goethe, elle est ainsi irrémédiablement liée au « Sturm und Drang » et au romantisme allemand ; en même temps, cela ne l’empêche pas d’être confortablement assise dans l’ère moderne, au vu de la concentration de banques de tout acabit dans le centre ville. La journée on voit « Mainhattan » sillonnée de banquiers et de businesswomen en complets et tailleurs ; quand ceux-ci vont se détendre le soir, ils se métamorphosent en gros fêtards dans les nombreux bars et boîtes de la ville. Mais malgré l’opulente richesse, ou justement du fait du prix élevé du mètre carré, vivent également au pied même de la tour de la BCE un grand nombre de clochards, d’ivrognes et de fous, rendus plus visibles encore par le contraste qu’ils offrent avec leur environnement. On est malheureusement tenté en les voyant d’en faire tout un symbole : l’Union Européenne, se réfugiant dans sa tour d’ivoire technocratique, bien loin des véritables préoccupations matérielles de ses citoyens.

Berlin offre également un tableau contrasté au regard du visiteur : ce que j’aime avant tout, et ce qui me frappe lors de chacune de mes visites, c’est comment la ville réussit à ne pas nier son passé, tout en se tournant résolument vers l’avenir. Partout la ville résonne du bruit des marteau-piqueurs et le paysage berlinois, visible du haut de la couple du Reichstag (de Norman Foster elle encore), est régulièrement entrecoupé de grande grues de construction multicolores. De nouveaux buildings à l’architecture innovante apparaissent ici et là ; les rues semblent en constante transformation. Certains bâtiments plus anciens, en revanche, comme le Berliner Dom, la cathédrale, semblent parfois laissés à leur propre sort, la couche de noirceur les recouvrant n’ayant pas encore été enlevée. Cela frappe particulièrement lorsqu’on vient de Paris, où une grande œuvre architecturale est construite tous les vingt ans, et où les monuments sont constamment nettoyés, rénovés, afin qu’ils brillent de tous leurs feux sous les flashs des touristes. Berlin, clairement, se projette dans l’avenir. Cependant, le poids du passé est toujours bien présent, sans que quiconque ne cherche à le nier. Il suffit de visiter le Musée Juif et le mémorial de la Shoah, une expérience dense en émotions, pour s’en rendre compte. Une autre exposition organisée par le ministère de l’Intérieur lui-même rend compte du fonctionnement de la Stasi, que d’aucuns connaissent mieux du fait du film « La vie des autres ». En quelques salles riches en documents on découvre avec horreur ce monstre tentaculaire, froid et calculateur qu’était la police secrète est-allemande. En 1989, 263 000 personnes y collaboraient, soit directement comme collaborateurs, soit indirectement en tant qu’informateurs. Il est assez effrayant de constater comment il était déjà possible d’espionner les gens dans les années soixante, avec les appareils photos et caméscopes énormes de l’époque cachés dans un arrosoir ou dans une poussette, ou des microphones dans des stylos. Je n’ai pu m’empêcher de songer avec paranoïa comment il doit être facile et tentant pour les gouvernements d’aujourd’hui, avec toutes les nouvelles technologies à leur disposition, de s’insérer subrepticement dans la vie privée de leurs citoyens. Sur une note plus optimiste, cela permet de prendre conscience de la chance que l’on a de vivre dans des sociétés libres et démocratiques.

Frankfort et Berlin (bis)

Mon appareil ayant tragiquement rendu l’âme en plein milieu de mon séjour je ne dispose pas de beaucoup de photos. Voici donc un ultra-condensé photographique du voyage: la Banque Centrale Européenne, et les tours de Frankfort (dans la 2e photo, la Commerz Bank de Norman Foster). Le mur de Berlin et le bâtiment de l’ex-Reichstag, aujourd’hui parlement de la république fédérale allemande.











Paris…

… ne change pas vraiment d’une visite à l’autre. En matière d’expositions, j’ai pu voir « Man Ray, Unconcerned but not indifferent » à la Pinacotèque à la Madeleine. Visite quelque peu décevante, bien qu’elle ait de le mérite de présenter les différentes phases de la vie de Man Ray ; j’eusse attendu davantage de photographies de son époque la plus réussie, le dada et le surréalisme. Très peu de ses fameux « rayogrammes » sont également à trouver. Sinon, j’ai enfin visité l’étage supérieur des collections permanentes du Musée d’art moderne du Centre Pompidou. Une collection magistrale, dense et exténuante qui couvre grosso modo les quarante premières années du siècle de Kandinsky à Mondrian en passant par Picasso, Fernand Léger, Chagall, Bracque, Marcel Duchamp et tant d’autres.
La grande nouvelle, c’est avant tout que j’ai trouvé une chambre pour mon retour à Paris. A Saint Germain, côté Saint Sulpice. Dur dur de quitter la rive gauche !

mardi 26 février 2008

Nouvelles en général

Parmi les sujets de l'actualité qui me préoccupent en ce moment sont à compter les propositions toutes plus inquiétantes les unes que les autres de Nicolas Sarkozy. Que penser de ce président, toujours pétri de contradictions? Lui que l'on a vu il y a quelques temps se pavaner en Rolex, mannequin sous le bras, cherche à présent à redorer le blason de sérieux et de dignité de la fonction présidentielle en orientant l'actualité vers de thèmes de nature à polariser les débats et remobiliser le soutien de l'électorat de droite conservative : sécurité (action policière d'ampleur en banlieue et "rétention de sûreté") et mémoire historique (reprise en main de l'héritage gaulliste et de la mémoire de la Shoah). Ainsi, Sarkozy pensait peut-être gagner des points faciles dans la bataille des côtes de popularité par cette proposition de "démarche pédagogique" auprès d'enfants de CM2, car personne n'oserai remettre en question la lutte contre la "bête immonde du racisme" que représenterait la Shoah. Tentative ratée, car les représentants d'associations juives, historiens, et intellectuels se sont tous levés contre cette instauration d'une mémoire d'Etat de la Shoah, niant toute la complexité du phénomène historique et de nature à traumatiser nos petits pious pious par la charge émotionnelle que représente la mémoire d'un petit juif assassiné. La référence à l'héritage gaulliste par Sarkozy aux Invalides, à l'occasion de l'érection d'une stèle en la mémoire du grand Charles est également rigolote au vu des différences flagrantes entre les deux présidents. De Gaulle, justement, qui aimait les conférences de presse fleuves et les bons mots, n'était pas du genre à s'énerver à la moindre insulte... S'il cherche à regagner des points, peut-être Sarkozy ferait-il mieux de s'occuper de politique étrangère? Sur le plan des rapports de la France avec ses partenaires européens, le résultat est mitigé. Symbole de poids, la France à certes été le premier pays à ratifier par voie parlementaire le traité de Lisbonne, la clef du débloquement institutionnel de l'UE. Cependant, sur un certain nombre de points Sarkozy continue à susciter l'exaspération, et avant tout à Berlin. Ici, en Allemagne, le style politique nerveux, médiatiquement hyperactif et "bling bling" de Sarkozy constitue le paradigme inverse de l'approche analytique, prudente et de l'attention au détail de la chancelière (n'oublions pas la formation de physicienne d'Angela Merkel). Les tentatives de Sarkozy de s'attribuer le succès des négociations du traité de Lisbonne ont blessé la diplomatie allemande, elle-même en majorité responsable des compromis passés face aux réticences britanniques et polonaises. A ces incompatibilités d'humeur s'ajoutent des discordances de fond: le déficit budgétaire comme les critiques françaises de la Banque Centrale Européenne agacent les Allemands, qui nous accusent de prendre des initiatives les concernant sans les consulter ou d'user de plusieurs langages selon qu'ils sont à Berlin ou à Paris. C'est particulièrement vrai de l'idée d'Union méditerranéenne (voir un article dans The Economist ici pendant qu'il est encore en ligne), dans laquelle le gouvernement allemand décèle un risque de division de l'Union européenne, y voyant une tentative de création d'une entité dont elle serait naturellement exclue. Symptomatique des rapports réellement maussades entre nos deux capitales, le report de trois mois de la prochaine rencontre franco-allemande au sommet, qui devait avoir lieu le 3 mars à Straubing, en Bavière, serait dû au "calendrier chargé" de Nicolas Sarkozy. Toutes ces pommes de discorde devraient être un motif d'inquiétude pour nos diplomates. Je m'inquiète de la déstabilisation du couple franco-allemand par un retour à une politique extérieure de grandeur à la française. Sans le moteur de la coopération entre nos deux pays sur lequel l'Europe s'est construite, celle-ci perd une partie de son âme. Quand notre président le comprendra-t-il ?

Des badauds et des ours

Le temps ayant été particulièrement clément ces derniers jours à Tübingen et à Stuttgart, les rues et les parcs se trouvent soudainement envahis de badauds un peu ébahis par les rayons de soleil hivernaux. C'est l'occasion de remarquer l'absence de lieux "sociaux", c'est à dire d'endroits où les gens se retrouvent pour flâner, discuter, prendre le soleil en public : terrasses de cafés, squares, parcs et marches d'opéra sont tous des lieux de vie où l'on se croise, l'on se rencontre et l'on se frotte l'un à l'autre de manière (j'oserai dire) assez "latine". Paris fourmille de pareils endroits. Ici, la différence est flagrante, tellement les espaces de vie commune sont rares. L'on a ainsi vite fait le tour de la "Schlossplatz" de Stuttgart et de son parc adjacent, l'un des seuls grands lieux ouverts et agréables à contempler de la ville. Ce dimanche, l'affluence était telle que les gens se trouvaient obligés de s'entasser les uns sur les autres sur la pelouse, par fois à même la rue. A Tübingen, ville universitaire que je connais également un peu mieux, les lieux de rencontre me semblent plus nombreux quoi qu'encore restreints par la petite taille de la ville. L'ex jardin botanique comme le pont sur le Neckar sont d'assez sympathiques lieux de rencontre (photos à venir); sinon, il reste encore la machine à café du restaurant universitaire, centre névralgique de la vie estudiantine. Peut-être ce nombre relativement restreint de lieux communs est-il dû à cette hypothétique sphère d'espace individuel à laquelle les Allemands vouent tant de respect, et qui les rendraient moins "sociaux" et plus individualistes que nous latins. En même temps, je répugne à avancer une explication du genre à confirmer les clichés sur les différences culturelles au sein de l'Europe. Je dirais plutôt que la vie sociale des Allemands, qui ne sont pas plus froids que leurs voisins italiens, se mène et s'épanouit davantage dans des cercles privés (famille, amis) sans qu'ils aient recours à autant de lieux de vie publique que nous en France. Ce pourquoi il est étrange de les voir se précipiter par milliers sur la pelouse de la même place afin de profiter des premiers rayons du printemps. Mon cône de glace au cassis à la main, je me sentais moi-même un peu comme un ours sorti d'une longue hibernation...

Nouvelles au particulier

Un grand bonjour tardif.

Merci de vos protestations renouvelées sur mon blog ces derniers temps, je suis en effet tout à fait impardonnable. Le problème de mon silence est du au fait que j'ai encore une masse très importante de boulot à finir, mais n'ayant pas de date précise pour rendre mes trois devoirs de 8 à 20 pages chacun (en allemand, bien entendu), je n'ai pas non plus de pression constante me forçant à mettre les bouchées doubles. Résultat, je bosse un petit peu tous les jours, mais pas assez; et le temps que je ne passe pas à écrire mes "hausarbeit", je culpabilise. Je me force de plus à éviter - avec assez peu de résultats probants - tout contact avec l'internet (msn, facebook...) du fait de son effet très néfaste sur la concentration.


Bref, comme vous l'aurez deviné, il s'agit d'un très puissant mélange d'obligations universitaires
et de flemme qui tempère ma volonté de donner des nouvelles régulièrement.
Ici en Allemagne, c'est la fin de semestre, ce qui a signifié entre autres une série de partiels, et notamment mon premier oral en allemand. Je suis assez fière de mes résultats, qui sont dûs en partie à un coup de fouet auto-imposé dans les trois semaines avant les examens, en partie à l'indulgence que les profs ont pour mon statut d'erasmus, le "bonus erasmus" comme on l'appelle ici. Ne sachant pas vraiment lequel des deux facteurs prime vraiment sur l'autre, je ne peux que songer à certains étudiants internationaux que j'avais rencontré l'année dernière à sciences po qui se heurtaient à l'intolérance de certains maîtres de conférence. Ceux-ci étaient particulièrement inaptes à comprendre les difficultés des élèves à lire des textes d'illustres juristes, ou à faire des exposés et saisir les subtilités de la langue science piste (je pense notamment à la "susmulgation" de la loi sur le CPE, fin néologisme d'Olivier Duhamel). Les élèves américains en particulier rencontraient un degré minimal de sympathie de la part des profs, même si mon expérience personnelle des étudiants américains ici tend à confirmer l'idée selon laquelle ils sont souvent ceux à faire le moins d'efforts pour apprendre la langue locale.
Ici, en tout cas, les Allemands semblent avoir intégré l'idée que la langue de Goethe comme de Rammstein et Tokyo Hotel est en effet assez difficile à maîtriser pour un non-initié. J'ai encore des élans de reconnaissance envers une jeune fille assise au premier rang lors de mon dernier exposé, qui m'écoutait balbutier avec un sourire et en faisant des hochements de tête encourageants... Hier soir, une de mes voisines avec qui je n'avais pas parlé depuis plusieurs moi m'a assuré que mon allemand était devenu "brutalement bon", selon les usages de la langue "djeunes" d'ici. Cela fait toujours plaisir à entendre.


Avec la fin du semestre arrivent également à échéance les séjours de certains autres étudiants érasmus qui ne restaient que pour six mois. L'occasion de tristes adieux, mais qui portaient également la promesse d'éventuelles visites réciproques. Parmi ceux que je regretterai, une bande de Danois dont la rencontre m'a fait prendre conscience d'une entière du continent que j'avais alors complètement occultée : la Scandinavie, jusqu'alors point aveugle de ma vision de l'Europe. La France n'a effectivement dans son histoire eu des liens que très ponctuels avec ces pays, avec des résultats peu concluants : ainsi, le Danemark perdit la Norvège lorsqu'il choisit de sortir de son isolationnisme et eu la mauvaise idée de soutenir Napoléon dans ses visées européennes. Les Danois ne nous en veulent pas pour autant : j'ai ainsi entendu que le français est la langue étrangère la plus apprise à l'université (après l'anglais), les étudiants préférant la jolie sonorité de notre langue aux difficultés syntaxiques de l'allemand. La France quand à elle, imbue de son propre rayonnement culturel, n'a malheureusement importé de Scandinavie que Abba, IKEA et Aqua. Mais les royaumes scandinaves sont également les terres d'origine de Kierkegaard, Henrik Ibsen et de la sociale-démocratie. Contrairement à la France, ils ont été les premiers pays à accorder le droit de vote aux femmes, et se targuent également d'avoir écrit un hymne national des plus ennuyeux qui parle d'un "doux pays" doté de "vertes frondaisons", de fleuves et de collines. Ha ha. Les Norvégiens, pour se différencier, évoquent dans leur hymne leur glorieux passé viking ("Cette terre fut sauvée par Harald / Avec sa troupe de guerriers / Ce pays que Håkon a défendu / Pendant que Oyvind le troubadour composait Olav...")
Cette ode à la Scandinavie ayant été faite, je m'apprête cependant à m'envoler mercredi pour le Portugal - Lisbonne, pour être plus précise - où la température est de moyenne de 10 degré plus élevée qu'à Stuttgart et Tübingen. J'y vais quelque peu la main dans les poches, espérant que l'anglais et mes maigres connaissances d'espagnol m'aideront à y survivre le temps d'une courte semaine.

Je me découvre également un nouvel intérêt pour l'Italie au travers de moult discussions avec mon ami véronais du quatrième étage (qui n'aime pas Roméo et Juliette), discussions dont les thèmes vont de la meilleure marque de pâtes en Italie au triste sort de Romano Prodi en passant par notre dégoût commun pour les mélanges vin/autre boisson (coca cola, eau gazeuse, jus d'orange) souvent pratiqués dans les contrées où le bon goût n'est pas encore passé. Croisons les doigts pour la réussite du Parti Démocratique italien lors des prochaines élections !

lundi 14 janvier 2008

Madrid


Cette image sera déjà familière pour certains ! Merci à Lise pour sa charmante hospitalité :)

Après avoir baigné quelques temps dans un environnement que je maîtrisais complètement, me voici plongée dans l'univers madrilène pour un petit choc culturel bienfaisant. Ayant étudié l'espagnol au lycée, il m'en reste quelques traces, comme la capacité de suivre une partie des conversations tenues entre mon hôte et le reste du monde - caissières, collocataires et commerçants... Pour le reste, impossible de sortir une phrase contruite ou cohérente dans cette langue pourtant facile : tout sort en allemand. La partie "langue étrangère" de mon cerveau est en état d'occupation durable, et seuls quelques bastions résistants d'espagnols luttent encore et toujours dans les tréfonds de mon lobe frontal... La constatation de mon incapacité en espagnol ayant été faite, je me suis permise de me laisser complètement porter par les évènements, comme il est coutume de le faire lorsqu'on se trouve en vacances. Au programme: balades, de longues heures dans des restos à tapas, musées (oui, encore) et excursion d'une journée à Tolède. Le fait de se déplacer à pied permet d'apprécier la diversité des ambiances des quartiers centraux de Madrid: grands axes flanqués de buildings dans un style art nouveau triomphant, bâtiments historiques et petits ruelles barriolées, ou le quartier immigré haut en vie. Tolède, ville moyenageuse, est architecturalement plus homogène, et eut sans doute été plus appréciable sous un beau ciel bleu (voir ici pour de jolies photos). Nous y avons néamoins vu deux des trois synagogues pré-modernes restantes en Espagne. A noter dans la catégorie idées géniales, la gare de Madrid, Atocha, transformée en serre géante, tortues californiennes incluses!
Enfin notre visite du musée du Prado m'a permis de m'entraîner à l'art subtil de prendre des photos sans se faire remarquer par les gardiens. Les gardiens madrilènes étant apparemment prompts à la conversation, ils sont donc plus facilement distraits, ce qui m'a permis de beaucoup mitrailler. Mes passages préférés auront été les oeuvre du Greco, peintures noires de Goya, et tout particulièrement sa très belle "Maja desnuda".

Paris

Le sujet de cet article est peut-être assez peu exotique, mais je manque d'inspiration pour décrire ma vie en Allemagne. Par ailleurs, je me suis promis dans mes bonnes résolutions (et sous pression populaire) d'alimenter plus souvent mon blog...
Quel sentiment étrange, de retour en France, d'entendre parler autour de moi une langue que je comprends ! J'avais oublié à quel point il était agréable de maîtriser ainsi son environnement. J'ai pris du plaisir à effectuer de petites actions quotidiennes anodines, comme commander du pain à la boulangerie toute pleine d'effluves appétissantes, écouter de manière indiscrète les conversations de mes voisins dans les transports en commun, etc. J'ai vité réalisé à quel point il était irréaliste pour moi de croire que je continuerais à travailler mon allemand pendant les vacances.
Mon séjour à Paris a été tout à fait délicieux, pour de multiples raisons sans doute, mais en grande partie du fait du charme intrinsèque que cette ville exerce sur moi. Paris a beau être une ville chère, bruyante et par endroits bourgeoise à en donner la nausée, elle reste néanmoins une source de plaisir toujours renouvelé. J'ai beaucoup aimé revoir mes coins de prédilection d'intello rive gauche - les cinés d'art et essais du quartier latin, les galeries des musées, Beaubourg, la BNF... Dans la même semaine, j'ai mangé italien, libanais, indien, japonais (par trois fois j'ai succombé à la tentation des sushis!) et j'en passe... Et inutile de souligner à quel point Paris est vraiment une très belle ville : des balades offrent toujours de nouvelles perspectives, même à l'oeil blasé d'une promeneuse aguerrie par de multiples Paris-by-nights.
Paris, ville de l'amour, mais aussi de la débauche: j'ai eu l'occasion de surprendre Heinrich s'adonnant à des activités très peu catholiques dans une boutique du Marais...

Pour ceux qui auront l'occasion d'être à Paris dans les mois qui viennent, je recommande tout particulièrement l'exposition sur Chaïm Soutine à la Pinacothèque de la Madeleine, et "Allemagne, les années noires", au Musée Maillol.
L'exposition à la Pinacothèque de Paris permet de voir un assez grand panel de l'oeuvre de ce grand peintre d'origine biélorusse, fou, figure ombrageuse de la scène artistique d'entre-deux-guerres. La violence du trait de pinceau et des couleurs de ses paysages déliquescents, ses personnages difformes aux yeux vides et noirs, ses tableaux de carcasses de viandes sanguinolentes font de Chaïm Soutine un artiste qui trouble et qui fascine.
"Allemagne, les années noires" nous donne un aperçu d'Allemagne souffrant du traumatisme de la Grande Guerre et d'une armistice bancale, avant même que déferle sur elle les calamités de la Crise et du nazisme. Un face à face des oeuvres d'Otto Dix et de Max Beckmann nous présente ainsi crûment l'horreur de la guerre des tranchées, loin de l'héroïsme naïf de la propagande officielle : cadavres jonchant dans les cratères d'obus, empêtrés dans les barbelés, ou scènes de combats apocalyptiques. La société de Weimar, avec ses soldats balaffrés faisant la quête dans la rue, ses nouveaux bourgeois, et ses agitateurs politiques est également assez bien dépeinte par le reste de l'exposition. Celle-ci n'est donc certes pas très joyeuse, mais permet de saisir presque concrètement le contexte qui a donné naissance au IIIe Reich.
Ici, l'entrée du blogger "Lunettes rouges" sur l'exposition