blog européen

jeudi 3 avril 2008

Frankfort et Berlin

Je n’ai que brièvement eu le temps de visiter Frankfort sur le Main, mais elle donne tout de suite l’impression au visiteur de cumuler beaucoup de contrastes. Ville de naissance de Goethe, elle est ainsi irrémédiablement liée au « Sturm und Drang » et au romantisme allemand ; en même temps, cela ne l’empêche pas d’être confortablement assise dans l’ère moderne, au vu de la concentration de banques de tout acabit dans le centre ville. La journée on voit « Mainhattan » sillonnée de banquiers et de businesswomen en complets et tailleurs ; quand ceux-ci vont se détendre le soir, ils se métamorphosent en gros fêtards dans les nombreux bars et boîtes de la ville. Mais malgré l’opulente richesse, ou justement du fait du prix élevé du mètre carré, vivent également au pied même de la tour de la BCE un grand nombre de clochards, d’ivrognes et de fous, rendus plus visibles encore par le contraste qu’ils offrent avec leur environnement. On est malheureusement tenté en les voyant d’en faire tout un symbole : l’Union Européenne, se réfugiant dans sa tour d’ivoire technocratique, bien loin des véritables préoccupations matérielles de ses citoyens.

Berlin offre également un tableau contrasté au regard du visiteur : ce que j’aime avant tout, et ce qui me frappe lors de chacune de mes visites, c’est comment la ville réussit à ne pas nier son passé, tout en se tournant résolument vers l’avenir. Partout la ville résonne du bruit des marteau-piqueurs et le paysage berlinois, visible du haut de la couple du Reichstag (de Norman Foster elle encore), est régulièrement entrecoupé de grande grues de construction multicolores. De nouveaux buildings à l’architecture innovante apparaissent ici et là ; les rues semblent en constante transformation. Certains bâtiments plus anciens, en revanche, comme le Berliner Dom, la cathédrale, semblent parfois laissés à leur propre sort, la couche de noirceur les recouvrant n’ayant pas encore été enlevée. Cela frappe particulièrement lorsqu’on vient de Paris, où une grande œuvre architecturale est construite tous les vingt ans, et où les monuments sont constamment nettoyés, rénovés, afin qu’ils brillent de tous leurs feux sous les flashs des touristes. Berlin, clairement, se projette dans l’avenir. Cependant, le poids du passé est toujours bien présent, sans que quiconque ne cherche à le nier. Il suffit de visiter le Musée Juif et le mémorial de la Shoah, une expérience dense en émotions, pour s’en rendre compte. Une autre exposition organisée par le ministère de l’Intérieur lui-même rend compte du fonctionnement de la Stasi, que d’aucuns connaissent mieux du fait du film « La vie des autres ». En quelques salles riches en documents on découvre avec horreur ce monstre tentaculaire, froid et calculateur qu’était la police secrète est-allemande. En 1989, 263 000 personnes y collaboraient, soit directement comme collaborateurs, soit indirectement en tant qu’informateurs. Il est assez effrayant de constater comment il était déjà possible d’espionner les gens dans les années soixante, avec les appareils photos et caméscopes énormes de l’époque cachés dans un arrosoir ou dans une poussette, ou des microphones dans des stylos. Je n’ai pu m’empêcher de songer avec paranoïa comment il doit être facile et tentant pour les gouvernements d’aujourd’hui, avec toutes les nouvelles technologies à leur disposition, de s’insérer subrepticement dans la vie privée de leurs citoyens. Sur une note plus optimiste, cela permet de prendre conscience de la chance que l’on a de vivre dans des sociétés libres et démocratiques.

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