blog européen

mardi 24 juillet 2007

Ode à la vie de bureau


Il n’y a pas à dire, mais le train-train quotidien, ça use. En rentrant chez moi le soir, ma première envie est de m’affaler sur mon divan-lit moyennement moelleux et de ne plus bouger, jusqu’à ce qu’il faille se lever pour combler les désirs de mon estomac par un plat de spaghettis bien mérités. A force de glorieux combats face à des agrafeuses réticentes, des photocopieuses aux voies impénétrables et d’imprimantes à court d’encre, la petite marchande de prose en interim que je suis devenue acquiert peu à peu ses lettres de noblesses dans le monde de l’édition. Le bureau où je travaille se situe dans une petite pièce au détour d’un couloir, en haut d’un escalier, en dessous de l’étage de la direction. La table de mon bureau y trône, entourée de hautes étagères, longue et blanche tel un gracieux yacht jetant l’ancre au fond d’un fjord norvégien aux pentes escarpées. S’y entassent des piles et des piles de dossiers, de manuscrits, de revues, ainsi que des cahiers, des calepins, différentes sortes de stylos, des bleus, des noirs, des verts et des rouges, des crayons, des gommes, des surligneurs, des coupelles débordant d’agrafes, d’élastiques et de trombones, des enveloppes en papier kraft, d’autres blanches et arborant l’élégant logo « nrf », des fiches, des classeurs, des cartes postales, et, partout, des montagnes de livres en langue étrangère entassés les uns sur les autres. Le plafond est bas, on y respire un air lourd. J’ai une petite fenêtre battante donnant sur une courette, qui débouche elle-même sur la rue de l’Université et sur le chaos du monde extérieur (en l’occurrence, le 7e arrondissement). C’est devenu mon royaume. Sous mon bureau, à la droite de mes pieds, j’ai commencé ma pile personnelle de livres à subtiliser. Elle fait environ les trois quarts de la hauteur de la table. En effet, mes services étant étendus gracieusement aux Editions Gallimard pour un mois, je suis bien décidée à recevoir de leur part, au moins en nature, le tiers du SMIC qui m’est logiquement dû. Je redécouvre la possibilité d’un rapport charnel avec les livres : ceux-ci, qu’ils soient des réimpressions toutes flambantes et neuves ou des éditions étrangères vieillissant benoîtement dans un coin, exhalent chacun comme une odeur personnelle. Leurs couvertures sont lisses, rugueuses ou douces, brillantes comme papier gloss ou discrètement mattes. Ils ont des formes qu’ont peut saisir avec plus ou moins de facilité, et parfois leurs jaquette en papier baille un peu, attirant la convoitise, comme une jeune fille dont le vent ferait voler la jupe. Bref, dans ce royaume aux sujets de papier, j’ai de la compagnie, et suis toujours occupée par quelque tâche. Je n’en reviens toujours pas de ma chance !

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