blog européen

lundi 7 mai 2007

Rire ou pleurer ?

« Ne pas oublier que face à la mort, tout paraît risible » écrit Thomas Bernhard, dans Le Président, pièce actuellement mise en scène au théâtre de la Colline. Ainsi, alors que la France s’égarait avec narcissisme et délectation à Charléty ou place de la Concorde au rythme frénétique d’une campagne présidentielle, heureusement, les artistes sont là pour rappeler que le pouvoir n’est sans nul doute qu’une pauvre farce tragique. Il y aura toujours un cynique pour nous murmurer au creux de l’oreille que la fébrilité de l’instant présent n’est que chose éphémère, et que joie, chagrin, passion politique, tout passe inlassablement. Déjà, tout ce qui a été vécu si intensément dans ces dernières semaines, tout n’est que passé.
Mais si tout est risible face à la mort, tout n’est pas pour autant méprisable. N’est-ce pas ici la France qui rit bien la dernière, cette incroyable foule de droite, de gauche comme de centre, par millions, cette France riant de se voir si belle en ce miroir cathodique ? Si rire il faut (car pleurer n’est pas de mise), rions de nous-mêmes, de ce fou rire qui dilate l’esprit, de ce rire désinfectant, décapant, discordant, sonnant comme la jonction simultanée des cris de liesse des jeunesses populaires et du dépit des jeunes socialistes. L’instant démocratique que nous vivons est un grand éclat de rire saint, régénérateur et confiant.
Je n’ai pas voté pour Nicolas Sarkozy. Mais tout en faisant abstraction de l’élu et de son propos, cette confiance renouvelée des Français dans la chose politique, je la conçois effectivement comme un signe positif de renouvellement. Seulement, l’attente générée est à la mesure de l’engagement incroyable des Français dans ces élections. Trois risques se présentent actuellement à la confirmation et à la concrétisation des espoirs issus de ce vote : tout d’abord, le blocage. Une cohabitation est improbable, mais reste sans doute plausible. Elle suppose que le PS garde la tête froide jusqu’aux législatives. Si tel est le cas, nous sommes repartis pour cinq ans de confusion, d’inaction et d’éparpillement de la confiance des électeurs. Le deuxième risque est une implosion de l’opposition, rendue difficilement crédible à la fois par une défaite électorale et l’affrontement entre les égos surdimensionnés des uns et des autres. Le parlement restera ce qu’il a été jusqu’alors, tout au plus un simple phénomène ponctuel de « poil à gratter » pour l’UMP, tout au moins une chambre d’enregistrement des actes édictées par le monarque républicain. Le troisième risque, c’est que Sarkozy ne tienne pas ses promesses… J’en suis parfois à l’espérer, au vu de certains éléments de son programme. Mais si les électeurs se sont rendus si massivement aux urnes, c’est justement pour mieux bouter du pouvoir et des mémoires ces cinq mornes années de chiraquisme bénévolent. L’exigence de résultats sera très forte ; il faut espérer (ou pas) que Sarkozy sera à la hauteur de son ambitions.

Aucun commentaire: