blog européen

jeudi 31 mai 2007

Cet inquiétant « Yalta » gouvernemental

Je n’ai rien contre la volonté du président de redessiner la carte des prérogatives ministérielles : vivant dans le septième, rue de Grenelle plus précisément, j’ai eu, en allant en cours tous les matins, amplement l’occasion de constater la prolifération de cabinets, de secrétariats d’Etat et de ministères signalés par de jolies plaques dorés et des vigiles en train de s’ennuyer en faisant le piquet (et qui, d’ailleurs n’en ratent pas une dès que passe le moindre petit bout de femme). Il fallait évidemment subvenir au problème de l’inflation bureaucratique et gouvernementale de l’ère Chirac et de ses prédécesseurs. Mais faillait-il donner pour autant à certains de ces ministères à titres à rallonge une orientation si ouvertement idéologique ? Le über-ministère de l’environnement (à la tête duquel se trouve un homme politique jadis condamné par la justice pour opérations frauduleuses – mais ça, on l’a tous déjà oublié semble-t-il), censé disposer de tous les outils pour lutter contre le changement climatique (énergie, développement durable, transports…), n’inclut pas pour autant l’agriculture. Pressions du lobby agricole obligent, par un quelconque miracle l’agriculture ne fait plus partie de l’environnement. Bah.

N’empêche, plus grave encore à mon esprit, ce fameux « ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement », chapoté par un très zélé Brice Hortefeux, connu pour ses conceptions libérales, son caractère conciliant et son expérience sur le terrain des questions africaines… Je soupçonne notamment Sarkozy, en mettant les réfugiés sous la tutelle de ce ministère, de faire un amalgame facile entre asile politique et immigration économique… c’est bien connu : une « gestion plus fine » de l’asile, comme le dit Le Figaro, c'est-à-dire le fait de refuser systématiquement un titre de séjour à un nombre toujours croissant de réfugiés ne fera que nourrir les filières d’immigration clandestine. Dans le même temps, je m’inquiète de la remise en cause de l’indépendance de l’Ofpra, dernier recours d’un réfugié débouté avant de se tourner vers l’illégalité. Sans parler du fait que le ministère des affaires étrangères devient à présent devenu une coquille vide et perd toute son autonomie. Je n’en parle pas seulement parce que, par le biais de l’un des membres de ma famille, je me sente directement concernée… Simplement, dans les faits, il semblerait que Kouchner se soit fait avoir, la politique extérieure étant majoritairement définie à l’Elysée, par le Conseil de Sécurité Nationale nouvellement créé sous la direction du diplomate Jean-David Lévitte proche de Sarkozy.

Bref, ce redécoupage ministériel, certes nécessaire, mais effectué à grands coups de hache, laisse un goût amer. Une fois une liberté entière d’agir attribuée par le biais d’une majorité écrasante à l’assemblée, jusqu’où ira la volonté de concentration des pouvoirs du président ? Sans compter l’absence d’opposition crédible, et l’abrutissement de la plupart des grands médias.

A un tel prix, les résultats de la politique de Sarkozy ont intérêt à être très bons: je veux, d’ici cinq ans, être payée double pour toutes les heures que je passe à bosser après cinq heures de l’après midi, être propriétaire d’un yacht en plus de ma chambre de bonne (dont le loyer aura sans doute triplé) et pouvoir aller me dorer la pilule au soleil d’une dictature peu inconvenante.

Sinon, tant pis, je vote ailleurs…

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