blog européen

mardi 26 juin 2007

Un traité simplifié très compliqué

L’accord passé le week-end dernier en vue de l’adoption d’un nouveau traité européen remplaçant le traité constitutionnel constitue indéniablement un pas en avant pour l’Europe. Comme le dit Manuel Barroso, le président de la Commission, il faut apprécier le traité à la lumière de la situation de crise institutionnelle dans laquelle se trouvait plongée l’Europe : une Commission obèse de 27 membres (imaginez un gouvernement avec 27 portefeuilles !), un système de vote au conseil capable de fonctionner que dans 2% des cas, une absence des citoyens... Les conseils européens, réunions des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays membres de l’Union, sont une affaire gigantesque : ce qui, à l’origine, était conçu par Giscard d’Estaing comme une sorte de réunion paisible au coin du feu, histoire de se connaître à 9 ou à 12, s’est métamorphosé en un véritable marathon diplomatique. Les dirigeants, souvent accompagnés de leurs conseillers et de leurs ministres, arrivent à Bruxelles entourés d’une horde de traducteurs, de fonctionnaires, de greffiers, de secrétaires particuliers, le tout fourmillant au pied d’un essaim monstrueux de centaines de journalistes de toutes origines. Cela doit donner l’impression d’une sorte de tour de Babel bordélique et instable. Au vu des dimensions mêmes de l’événement, et des tensions qui le traversaient de part en d’autre (les Britanniques faisant la fine bouche, les Polonais jouant la surenchère…) il semble miraculeux qu’un accord en sorte du tout. Grâce notamment au renouvellement du tandem franco-allemand et aux efforts de lobbying du président Sarkozy, le conseil européen, qui avait semblé frôlé l’échec, se trouve être couronné de succès… où pas ?


En tant que proeuropéenne, j’y vois surtout une demi-victoire un peu amère : l’esprit européen de dialogue et de compromis est en train d’être battu en brèche par des eurosceptiques bornés, venus à Bruxelles avec un programme clair : celui de ne pas céder un pouce sur leurs prétendus intérêts nationaux. Les frères Kaczynski en particulier sont coupables d’avoir pourri le conseil par leur contestation de l’une des avancées fondamentales du traité, la double majorité. Du fait de leurs méfiance vis-à-vis d’un fantasmatique directoire franco-allemand, le nouveau processus de décision ne sera complètement opérationnel que dans 10 ans. Sur les questions de l'hymne et du drapeau européens, je suis attristée de constater l'acharnement de certains gouvernements à nier les aspects émotionnels de l'Europe : ce sont pourtant ces mêmes gouvernements, la Pologne, la République tchèque, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, qui reprochent à l'Europe d'être loin des citoyens. Tony Blair lui-même n’appelait-il pas autrefois à une " Europe populaire " ? Le recul opéré vis-à-vis de la Charte des droits fondamentaux, qui ne sera plus citée in extenso dans le traité, est par ailleurs déplorable : depuis quand n’est-il plus dans l’air du temps de faire des droits humains des normes constitutionnelles ? Enfin, je ne comprends pas non plus la manière de toute la presse de parler d’un " traité simplifié " : je ne vois rien qui indique que les grandes lignes adoptées ce week-end pourvoiront un traité plus lisible que le précédent. Selon les mots du premier ministre luxembourgeois, c’est un " traité des notes de bas de page… un traité simplifié très compliqué ".
Pour finir, il convient d’espérer que les avancées obtenues seront bien transcrites lors de la conférence intergouvernementale censée rédiger le traité lui-même. Comme le souligne Daniel Cohn-Bendit : " Qu'est-ce qui nous garantit que le jumeau du jumeau polonais et Gordon Brown ne vont pas revenir sur la parole donnée, puisqu'ils ont montré qu'ils peuvent revenir en arrière sur tout ? Je rappelle que la Charte, ils l'avaient tous signée ! "

voir aussi le blog de Pierre Moscovici:

http://moscovici.typepad.fr/mon_weblog/2007/06/perplexit.html

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est bien vrai, l'Europe ne fait plus rêver que quelques étudiants... qui en vieillissant deviendront des décideurs, et laisseront de côté les grands idéaux. Que penserons-nous à 45 ans... En aatendant, on peut toujours faire notre possible.